Dans le sud de la Suède, Kurt Wallander donne de sa personne dans la police nationale. Il est l’autre grand enquêteur scandinave et partage la vedette avec l’inénarrable Erlendur créé par l’islandais Arnaldur Indridason. En ouvrant Meurtriers sans visage, mon tout premier Wallander après avoir lu huit enquêtes d’Erlendur and Co, impossible donc d’attendre le suédois au tournant et de le comparer à son homologue de Reykjavik.

Pour Wallander, l’année commence fort mal : en ce 8 janvier, il est appelé sur un double meurtre. Version sordide, avec torture et beaucoup de sang. On est loin de l’ambiance proprette de Maigret. Wallander est horrifié. Malgré son expérience, il n’avait jamais été confronté à une telle violence. On relève les indices, on interroge les voisins, on se rencarde dans la bourgade proche dont les petits vieux assassinés vivaient quelque peu isolés. La routine malgré ce que la situation avait d’inédit : le policier est un animal rigoureux attaché aux méthodes qui ont fait leurs preuves.

Pourtant, la situation échappe rapidement aux enquêteurs. L’une des victimes avant de mourir a prononcé le mot « étranger » : il n’en fallait pas plus aux xénophobes locaux pour déclencher une campagne nationaliste avec des slogans assez peu pacifistes, rejet de l’autre, haine raciale… Il ne manque que les cagoules blanches, les croix en feu et la torpeur de l’Alabama pour nous replonger dans les pires heures de la ségrégation aux USA.

Wallander est écœuré. Il n’a pas vu, malgré son boulot de flic, son pays se transformer. Il est un vieux de la vieille et ces nouvelles réalités le dépassent. Aussi tente-t-il chaque fois que possible de se détendre en écoutant un opéra. Alors que les voix néo-nazies grondent, retentissent les notes d’Aïda, de Tosca ou de Fidelio.

Comme Erlendur, Wallander est un solitaire. Sa femme l’a quitté et il vit seul. Sa fille Linda est adulte (tout comme Eva Lind), un peu distante et n’a pas toujours été simple à gérer. Peut-être parce que je le connais moins, Wallander me semble toutefois moins profond. Erlendur est un ours dévoré par ses obsessions. Un inadapté social qui ne vit plus que pour son boulot et les nombreuses disparitions qui endeuillent l’Islande. Wallander me semble être un type plus banal, plus commun et moins bien exploité. Mais Meurtriers sans visage est le premier opus de la saga et peut-être que le personnage s’étoffe ensuite.

Alors que la forêt boréale a remplacé la toundra arctique, l’enquête suit son bonhomme de chemin. La police s’enlise, l’enquête piétine. Wallander désespère de retrouver les coupables et le lecteur se demande comment le flic va s’en sortir, par quel fil il va raccrocher le wagon. La solution est finalement assez inattendue, plausible mais un peu tirée par les cheveux et parachutée brutalement alors qu’on commençait à craindre de n’en jamais sortir.
Le livre se suit toutefois sans ennui même si l’écriture (ou la traduction) est d’une morne platitude. Aucun style, un vocabulaire assez pauvret, des phrases sans grand intérêt, de nombreuses redites : si je lis un jour le tome 2 des aventures du policier suédois, ce ne sera pas pour le plaisir de lire la prose de Mankell qui ne m’avait déjà pas bouleversé dans « les Chaussures italiennes ».

A l’issu de cette première enquête : Wallander : 0 ; Erlendur : 1.
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le 2 janv. 2015

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