En Algérie, dans la seconde moitié des années 1930. Alors que la guerre fait rage en Espagne, Younes et sa famille entasse ce qu’il reste de leur vie partie en fumée et gagne la grande ville – Oran. Ils ont tout perdu, leurs terres, leurs richesses, leurs joies et leurs illusions.


Tenter de se reconstruire. Ailleurs. Se retrousser les manches et tout recommencer à zéro pour sortir de la misère. Le jeune Younes, neuf ans, voit son père trimer. Celui-ci refuse toute aide. Son honneur lui ordonne de relever les siens à la seule force de ses bras vigoureux.


Pourtant, la tâche est telle que l’homme vacille. Il doit bientôt confier Younes à son frère aîné, pharmacien aisé à Oran. L’oncle est aux anges. Lui qui rêvait d’avoir un fils. L’enfant est donc élevé par son oncle et sa tante, désormais à l’abri du besoin. Il va à l’école et mange à sa faim. Il est gâté au-delà de l’imaginable. Les années passent. Younes grandit. L’oncle, un humaniste d’une droiture absolue, est subitement arrêté par la police coloniale en raison de ses sympathies pour les nationalistes. Relâché, il ne se remettra pas. Exilé dans un village de l’Oranais, il tente d’oublier et de refaire sa vie. Younes, lui, retrouve la campagne de son enfance avec délice. Les oliviers, les vignes, la liberté.


Avec trois amis insérables, il vit la seconde Guerre Mondiale de loin en loin. Puis, ce sont les prémices des révoltes autochtones qui préfigurent la guerre qui endeuillera le pays de novembre 1954 jusqu’aux accords d’Evian en mars 1962.


A travers le personnage de Younes, c’est toute l’histoire de l’Algérie des années 30 à l’indépendance du pays que le lecteur suit avec passion. L’Histoire avec un grand « H » écrite dans les livres scolaires, mais aussi les innombrables petits épisodes qui font un pays et un peuple. Les premières voitures à atteindre le village, les soldats américains basés à Oran à partir de 1942, les français qui ont bâti le pays et qu’on n’appelait pas encore « pied-noir », les algériens survivants pour nombre d’entre eux dans la misère et attendant leur heure, les autres algériens qui auraient préféré que l’Algérie reste française, et le grand amour de Younes réduit à néant à cause d’une simple rafale de vent…


Une grande fresque merveilleusement écrite par un écrivain de talent. De la joie, de la souffrance, des promesses faites un peu vite et qu’on regrettera sa vie durant, des actes manqués pesant lourds sur le cœur, de la violence, le camp que la vie choisit parfois à notre place, les figues et les olives mûrissant au son des cigales, le petit vin de pays dont on aura encore le goût sur les lèvres lorsqu’on sera exilé en terre provençale – juste en face. Et Emilie, si belle, si aimante et pourtant si inaccessible.


Quel livre magnifique !

BibliOrnitho
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le 2 sept. 2015

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