Avec Dix Décembre, George Saunders signe un recueil de nouvelles qui frappe autant par son inventivité que par sa sensibilité. Si je lui accorde la note de 8.5/10, c’est parce qu’il réussit à créer un univers où l’étrangeté du monde moderne est scrutée avec une acuité rare – parfois dérangeante, souvent bouleversante.
Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est son style à la fois audacieux et profondément maîtrisé. Saunders écrit comme on respire dans un monde qui étouffe : son phrasé épouse les pensées confuses de ses personnages, quitte à fragmenter la syntaxe, tordre la logique, jouer avec le rythme. Cela peut désarçonner, mais ce n’est jamais gratuit. Au contraire, cette forme épouse le fond : les voix intérieures prennent corps, les hésitations mentales deviennent palpables, et le langage devient un terrain de lutte – entre conformisme et lucidité, entre désespoir et espoir ténu.
Certaines nouvelles brillent par leur construction inventive ("Dix Décembre", notamment), d’autres touchent par leur dépouillement. Toutes partagent une profonde empathie envers les personnages, même les plus pathétiques ou absurdes.
En somme, Dix Décembre est un recueil exigeant, mais d’une richesse rare. On en ressort troublé, parfois ému, toujours interpellé. Un livre qui ne flatte pas, mais qui respecte profondément l’intelligence et la sensibilité du lecteur.