Fureur et Mystère
7.6
Fureur et Mystère

livre de René Char (1948)

Ai retrouvé «Fureur et mystère» dans ma bibliothèque à côté de «Le nu perdu» du même auteur, deux vieux bouquins jaunis, rabougris, de l’excellente collection NRF Poésie/Gallimard, et pas relus depuis la fin de mon adolescence (annotations et passages soulignés montrent que j’avais beaucoup apprécié).


Bref, je n’avais pas voulu voir à l’époque la maladie sérieuse dont René Char était frappé : le verbiage compulsif et une approche de la poésie inutilement compliquée, tristement tordue.


Je m’y suis (re)mis et quelle souffrance. Je comprends non sans consternation que ce qui avait grisé mes jeunes années n’est que purée hermétique et beurre ranci. Que ce soit inintelligible, c’est un fait, mais ça pourrait au moins avoir le bon goût d’être esthétique. Raté. Atttention, ça pique :


« Cyclone vulnéraire, que tu nous rends tard le but et la table où la faim entrait la première »


ou


« Parois de ma durée, je renonce à l'assistance de ma largeur vénielle. »


ou encore


«L'homme criblé de lésions par les infiltrations considéra son désespoir et le trouva inférieur. Autour de lui les règnes n'arrêtaient pas de s'ennoblir comme la délicate construction gicle du solstice de la charrette saute au cœur sans portée.»


Je pourrais continuer longtemps cette navrante et monotone liste de perles.


200 pages et à chaque fois on pense qu’il ne pourra plus faire pire : mais si, sans cesse il se surpasse avec une extraordinaire capacité à se montrer constant dans l’imposture. Cette baudruche intarissable manie lieux communs, métaphores creuses et perspectives se voulant inouïes comme personne. Formidable.


René Char c’est encore Jacques Henric qui en parle le mieux :


Char : passé politique impeccable, grand résistant, volontaire exilé du délétère Paris, carrure paysanne promenant ses souliers écolos sur des chemins fleurant bon le romarin et la crotte de brebis, et surtout, surtout, l’auteur d’une œuvre suffisamment absconse, alambiquée, pour permettre aux interprètes des textes sacrés de plancher toute une vie, avec des frissons d’horreur sacrée, sur la moindre éjaculation poétique du Maître.


Oui, Char, en gros, c’est ça.


N'allez pas le dire à Anne-Quinoa, elle vous arracherait les yeux.

-Valmont-
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le 1 déc. 2017

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