Avec This Is How You Lose Her, Junot Díaz nous entraîne dans une traversée vertigineuse des désirs, des trahisons et des regrets qui hantent les relations amoureuses. Loin d’un récit lisse ou moralisateur, le recueil assume une franchise rare, parfois brutale, mais toujours profondément humaine. J’ai attribué à cette œuvre une note de 8/10, tant pour sa sincérité que pour la complexité émotionnelle qu’elle met en jeu.
Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est la manière dont Díaz construit un personnage à la fois repoussant et vulnérable, capable de lucidité extrême mais prisonnier de ses propres contradictions. Yunior, narrateur récurrent, est tout sauf un héros romantique : menteur, infidèle, souvent lâche. Et pourtant, il ne cesse de chercher l’amour, d’en éprouver le manque, de s’interroger sur ses échecs. Cette tension, cette lutte entre désir sincère et comportements destructeurs, donne au livre une densité émotionnelle qui m’a vraiment touché.
L’un des grands atouts du recueil réside dans sa structure fragmentée mais cohérente. Chaque nouvelle fonctionne comme un éclairage différent sur Yunior, à des âges et des moments variés de sa vie. Cela permet une lecture à plusieurs niveaux : on peut suivre l’évolution du personnage, tout en découvrant les dynamiques familiales, les codes masculins, les non-dits culturels liés à l’identité dominicaine et à l’immigration. Le tout s’articule sans jamais paraître didactique, grâce à une narration fluide, vivante, presque orale.
Díaz ne se contente pas de raconter des histoires d’amour perdu : il explore la mécanique de l’échec affectif. Pourquoi sabote-t-on ce que l’on chérit ? Pourquoi les excuses n’effacent-elles pas les blessures ? Ces questions résonnent longtemps après la lecture, et c’est ce qui donne au recueil une vraie profondeur. C’est un miroir tendu au lecteur, parfois inconfortable, mais toujours sincère.
Ceci dit, j’ai ressenti par moments une certaine répétitivité thématique, notamment autour de l’infidélité et du remords. À mesure que les récits s’enchaînent, une forme de redondance s’installe, qui pourrait faire perdre un peu de l’intensité initiale. Toutefois, cette répétition peut aussi être vue comme un choix narratif assumé : elle reflète l’enfermement du personnage dans ses schémas, l’incapacité à se transformer malgré la lucidité. Ce n’est donc pas un vrai défaut, mais plutôt une limite intrinsèque à l’univers que Díaz construit.
Enfin, impossible de ne pas saluer la puissance du style. L’écriture de Díaz, truffée d’espagnolismes, de références pop, de formules crues et tendres à la fois, crée une voix singulière, authentique. Ce mélange de registres donne au recueil une texture unique, qui ancre profondément les émotions dans le langage. L’auteur parvient à écrire la douleur avec poésie, l’humour avec gravité, la honte avec beauté.
En conclusion, This Is How You Lose Her est un recueil qui m’a bousculé, ému, parfois agacé, mais jamais laissé indifférent. C’est un livre qui interroge nos failles, nos désirs contradictoires, et la difficulté à aimer sans abîmer. Un miroir dur mais juste, porté par une écriture vibrante. Et c’est précisément cette tension, cette honnêteté brute, qui fait de ce livre une œuvre marquante, malgré ses quelques longueurs. Un 8/10 bien mérité.