"Cherchez, vous trouverez"
Les quinze maigres pages de Indignez vous de Stéphane Hessel m'ont tout d'abord laissée dubitative : je ne pouvais comprendre que ce soit ce sobre petit livret qui fit tant parler de lui, quand je m'attendais à un pamphlet enragé d'un vieil aigri contre toute technologie ou nouveauté. Mais ce serait se méprendre que de jauger une indignation à la virulence de son expression : il faut tout d'abord considérer l'indigné. Hessel fut résistant, a été torturé par la Gestapo, s'est échappé de Buchenwald la veille de la date fixée pour sa pendaison, a participé à la rédaction de la Déclaration des Droits de l'Homme, est décoré de la Légion d'Honneur, et j'en passe. Les mots « Indignez-vous » dans la bouche de cet homme à la vie formidable ne sauraient sonner de la même façon que s'ils sortaient de la bouche d'un lycéen hirsute monté sur les barricades d'un blocus. Les amateurs de spectaculaire furent déçus et reprochèrent à Stéphane Hessel une indignation trop politiquement correcte : mais s'indigner à 93 ans requiert tout de même une attitude posée. Simplement parce que l'indignation n'a pas le même sens pour ce vieil homme et pour nous. On s'indigne contre le prix des chaussures et contre nos heures de maths, quand lui s'indignait contre le nazisme. Et cette lassitude dans son propos, cette mollesse dans la dénonciation traduisent une résignation des plus alarmantes. Ce nonagénaire s'incline devant notre époque qui le dépasse décidément, et on le sent battre en retraite tout en nous tendant le flambeau de l'indignation à nous la Jeunesse, un peu hésitant tout de même face à la confiance à nous témoigner. C'est sûr qu'il sera difficile d'être digne de ce grand homme et de sa génération. Mais nous essaierons, ne serait-ce que pour rendre à ce petit ouvrage plein de bon sens l'hommage qu'il mérite.