Et surtout ne me dessine pas un mouton, même sauvage.

"Que c'est con, que c'est con, que c'est con, non mais que c'est con"... forcément, quand on se répète ça pendant 640 pages, c'est mal parti.
Je dois néanmoins reconnaitre deux talents à Murakami : parvenir à tout rendre fade et niais d'une part, et à complètement rater ses personnages de l'autre. A ce niveau là, ce n'est plus du gâchis, c'est de l'acharnement.

Je ne vous raconte pas l'histoire, de toute façon elle a beau être tortueuse et absconse, elle n'a absolument aucun intérêt. En plus, quelle bonne idée, elle se divise en deux, par chapitre alterné, ce qui très vite relève du cauchemar absolu puisqu'on sait, quand se termine un chapitre avec le jeune héros (le dénommé Kafka, pauvre Franz qu'as-tu fais pour mériter pareil hommage ?) qu'on va devoir se fader le vieillard débile pendant tout un chapitre. Autour de ces deux-là flottent comme des bouts de tapioca dans un thé vert taiwanais des ectoplasmes absurdes et molasses. Un vrai faux pédé verbeux et péremptoire, un chauffeur routier qui découvre les joies de la musique classique (non, c'est pas une blague), une rombière sur le retour façon Anouck Aimée triturant un collier de perle en regardant dans le vide, et tout ça enfonce gaillardement, et interminablement, les portes ouvertes, sur la vie, la mort, les rêves, la réalité, Beethoven (dingue, il parait qu'il était sourd !), Schubert ou Truffaut.

Le pire dans ce brouet insipide, c'est la bienpensance et les bons sentiments dans lesquels s'englue ce road book dépressif et déprimant. On dirait du Saint Exupéry à l'usage des ménagères benoites, qui s'ennuient l'après midi pendant que le mari travaille et les enfants sont à l'école. Alors pour la faire frémir, on n'arrête pas de faire bander le héros de 15 ans (il l'a très dure parait-il... on est heureux de l'apprendre, mais bon d'un autre coté si ce n'était pas le cas à son age, ça serait inquiétant), pour la faire rêver on parle d'amour éternel et de fantômes mélancoliques, pour la faire réfléchir on disserte sur la tolérance et le courage, pour la faire rire... ah non, ça c'est pas prévu. Si au moins, comme son effroyable modèle, le roman avait l'élégance de se terminer mal. Même pas, le happy end "en demi teinte" est de rigueur. Tout pour plaire !

Le grand génie des Japonais, dans les livres, dans les films, mais aussi dans la rue et la vie de tous les jours, c'est de savoir mêler le plus kitch et le plus raffiné, le plus ridicule et le plus poignant, le plus hystérique et le plus délicat, le plus insouciant et le plus profond, sans qu'on puisse vraiment distinguer le premier du second degré. Murakami, lui, a décidé de faire beaucoup plus simple - plus simpliste : être définitivement lourdingue et explicite, ce qui au moins lui a assuré un succès interplanétaire. Grand bien lui fasse. Moi, au moins une bonne nouvelle m'attendait à la fin du livre : je ne lirai plus rien de ce type.
Chaiev
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes On the Row (2012) et 文芸

Créée

le 16 avr. 2012

Critique lue 5.6K fois

81 j'aime

54 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 5.6K fois

81
54

D'autres avis sur Kafka sur le rivage

Kafka sur le rivage
Rozbaum
9

Critique de Kafka sur le rivage par Rozbaum

Si on peut reprocher à Kafka sur le rivage le peu de relief de ses personnages, son apport culturel assez fade, ses réflexions un peu simplistes et sa cohérence douteuse, il serait idiot de lui...

le 15 avr. 2012

48 j'aime

4

Kafka sur le rivage
Socinien
5

Sardine en boite

Murakami, c'est un peu comme le genre musical de l'easy listening, on écoute sans vraiment préter attention aux paroles et à la mélodie. Kafka sur le rivage, c'est facile à lire, les chapitres sont...

le 28 oct. 2010

46 j'aime

8

Kafka sur le rivage
BibliOrnitho
10

Critique de Kafka sur le rivage par BibliOrnitho

Un chef-d'œuvre qu'il me paraît impossible à résumer. Un récit dense, surréaliste où deux mondes s'entremêlent étroitement. Le jeune Kafka Tamura (le nom est authentique, mais il s'agit d'un prénom...

le 19 juin 2012

42 j'aime

8

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

279 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

268 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

243 j'aime

74