Ad aeternam
Pour les gens de mon âge, Hélène Carrère d’Encausse était surtout connue pour son refus acharné de toute évolution « féministe » de la langue (féminisation des noms et métiers, écriture inclusive) en...
le 14 sept. 2025
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Il y a, dans Kolkhoze, ce souffle long et discret des livres qui ne cherchent pas à séduire mais à comprendre.
Emmanuel Carrère y déplie la mémoire familiale comme on écarterait les rideaux d’une maison silencieuse, pour laisser entrer la lumière — cette lumière pâle, un peu triste, qui révèle autant qu’elle efface.
Le récit commence au lendemain de la guerre, quelque part entre Bordeaux et Moscou, entre le confort bourgeois et l’ombre des empires effondrés.
Un jeune homme rencontre Hélène Zourabichvili, fille d’exilés, née dans les décombres d’une Russie perdue.
Ils s’unissent, et à travers eux, c’est tout un siècle qui s’enlace : les révolutions, les guerres, la peur, la foi, les deuils, la transmission.
Carrère transforme cette matière biographique en une épopée intime, ample, pudique, d’une justesse parfois désarmante.
Sa langue, toujours reconnaissable, semble ici apaisée.
Elle a perdu la tension des confessions précédentes (L’Adversaire, Yoga), pour atteindre quelque chose de plus nu : un murmure d’honnêteté.
Chaque phrase paraît écrite à la main, dans la pénombre d’un bureau, entre deux respirations.
Le style se tient au bord du roman et du témoignage, oscillant entre la rigueur du biographe et la fièvre du fils.
Hélène, la mère, devient le centre magnétique du livre.
Son intelligence, son orgueil, sa solitude, sa force : tout cela Carrère le décrit sans emphase, dans une sorte de respect grave.
On sent, sous les mots, un amour mêlé de crainte, une reconnaissance silencieuse.
Quand il écrit : « 147 jours après elle, et à mon avis, de chagrin », c’est toute la littérature qui s’efface un instant — il ne reste qu’un homme face à sa perte.
La structure du récit, à la fois chronologique et fragmentée, épouse le désordre de la mémoire.
Les archives familiales, les photographies, les lettres se mêlent à la réflexion géopolitique, à la chronique d’un siècle russe.
Le résultat est dense, parfois trop, mais toujours habité.
On y lit la passion d’un homme pour la vérité — non pas la vérité factuelle, mais celle du sentiment.
La lumière de Kolkhoze est grise, hivernale, parfois crue.
Elle éclaire les visages des morts avec une douceur presque mystique.
Carrère, comme toujours, filme les âmes plus qu’il ne les raconte : on pense à Bergman, à Tarkovski, à ces auteurs pour qui chaque visage est un territoire.
C’est un livre sur la filiation, mais aussi sur le temps, sur la honte, sur la tendresse impossible.
Un livre qui ne cherche pas à réparer, mais à transmettre — même ce qui reste brisé.
Kolkhoze n’a pas la tension narrative de ses œuvres précédentes, mais il a leur vérité nue.
Il avance lentement, gravement, sans détour, jusqu’à cette dernière ligne où l’auteur, regardant ses parents disparaître, comprend qu’il leur ressemble plus qu’il ne le croyait.
Un grand récit d’héritage, parfois austère, souvent bouleversant.
Un livre sans éclat, mais plein de lumière intérieure.
Ma note : 16 / 20
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Créée
il y a 7 jours
Critique lue 5 fois
Pour les gens de mon âge, Hélène Carrère d’Encausse était surtout connue pour son refus acharné de toute évolution « féministe » de la langue (féminisation des noms et métiers, écriture inclusive) en...
le 14 sept. 2025
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🔴 Me retrouver sur https://www.youtube.com/channel/UCwnp9KZCW3j6S_JEko5hxSg Il y a, dans Kolkhoze, ce souffle long et discret des livres qui ne cherchent pas à séduire mais à comprendre.Emmanuel...
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il y a 7 jours
Tout a été dit sur ce qu'Emmanuel Carrère qualifie de "roman familial", un livre qui a fait l'objet d'une telle campagne promotionnelle qu'elle aurait eu de quoi rebuter les lecteurs hostiles à la...
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le 4 oct. 2025
_____Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes: https://youtu.be/sSVYyyi2ZPU👉 Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun ! ...
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le 17 mars 2025
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🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes : https://youtu.be/QN6Wh3krGas? Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun !🔴Cléopâtre,...
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le 18 avr. 2025
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le 23 avr. 2025
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