La narratrice est trentenaire, islandaise et linguiste : elle est traductrice (elle parle 11 langues) et relit et corrige des manuscrits divers et variés. Elle est mariée mais n’a pas d’enfant. Et sa routine quotidienne bascule un soir de novembre quand son mari lui annonce que sa maitresse est enceinte de lui et qu’il souhaite divorcer. Comme ce bouleversement ne suffit pas à l’auteur, la narratrice voit un gamin de quatre ans et handicapé lui tomber dans les bras : sa meilleure amie a eu un accident et lui confie son fils durant son hospitalisation. Et pour enterrer définitivement son ancienne vie, la narratrice gagne coup sur coup les gros lots de deux loteries : à celle des sourds et muets elle gagne un chalet d’été en kit qu’elle fait installer dans l’est de l’île tout près du village de ses grands-parents où elle passait ses vacances d’enfants, et à la loterie nationale, elle remporte un gain record de 44 millions de couronnes (et des poussières).
Ca fait beaucoup, bien sûr, mais la narratrice fait face. Et avec courage. D’abord paniquée à l’idée de devenir mère au pied levé, elle prend son courage à deux mains, installe l’enfant à l’arrière de sa voiture et s’engage sur la nationale 1, la route circulaire qui s’étire sur 1400 km en faisant le tour du pays. Cap à l’est pour des vacances d’été un peu tardives. Les essuie-glaces à fond. Car il pleut, il pleut, sans discontinuer depuis des semaines. Le temps est anormalement doux (il n’y a plus de saison) et toutes les rivières sont en crues. Le lecteur vit des moments d’angoisse : la narratrice et son bambin parachuté vont-ils arriver à destination ? Car la route est dangereuse : plusieurs ponts menacent d’être emportés. Et si la route était coupée et qu’avancer plus à l’est soit impossible ? La narratrice pourrait faire demi-tour. A condition que le pont qu’elle vient de traverser soit encore là à son retour. Et la nuit polaire qui s’installe chaque jour un peu plus. Et ces moutons qui traversent la route n’importe comment… D’ailleurs, elle finit par en percuter un alors qu’elle regardait dans son rétroviseur. Le mouton est mort, la voiture aussi.
Mais fi de suspens : la narratrice achète aussi sec (si je puis dire vu la flotte qui n’en finit pas de tomber) une voiture neuve (merci la loterie nationale) et arrive à bon port après avoir rencontré le nouvel homme de sa vie. On s’installe, on dévalise l’épicerie du coin, on sèche. Et les nuages finissent par s’éloigner. A l’embellie de la météo s’annonce également une embellie sentimentale : la narratrice s’est réconciliée avec les enfants dont elle ne voulait pas entendre parler, elle est riche comme Crésus et de nouveau amoureuse. What else ?
Une lecture qui ne fera de mal à personne, gentillette et pas compliquée. Ecriture particulièrement simple qui ne demande aucun effort particulier. Quelques rebondissements qui ne cassent pas trois pattes à un canard (en parlant de canards, le lecteur apprend que les eiders élèvent leurs jeunes en crèche). Mention spéciale pour les 50 dernières pages au cours desquelles l’auteur donne les recettes de cuisine qui émaillent son texte. Recettes romancées teintées d’un humour certain. Plus intéressantes que le roman lui-même. Roman qui ne me laissera pas un souvenir impérissable. On est loin de Rosa Candida.
BibliOrnitho
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le 30 oct. 2012

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