Un récent documentaire d’Arte sur l’Orange Mécanique de Burgess m’a donné envie de m’y replonger. Lu autrefois dans le sillage du film de Kubrick, j’avais plutôt goûté l’expérience de ce récit à la première personne truffé de mots de nadsat, le fameux argot imaginaire inventé par Burgess et que Kubrick avait repris. Fusionnant l’anglais et le russe (au moment de la création du roman, le monde était encore en pleine guerre froide), il prend une saveur particulière à une époque où d’autres types de voyous s’agitent aujourd’hui en Russie.
Il y a une telle densité de termes nadsatique qu’un glossaire a été établi en fin d’ouvrage (c’est le cas dans mon édition de 1972, mais je pense que les éditions actuelles l’ont aussi repris). On peut penser que cela rend la lecture soûlante mais passé le cap des vingt premières pages où l’on fait un va-et-vient (un « dedans-dehors » dirait Alex) entre l’histoire et le glossaire, on prend le rythme de cette petite musique et l’on finit par deviner aisément le sens des mots selon le contexte.
Une aventure stylistique donc, que cette Orange Mécanique, et une aventure toujours d’actualité tant le traitement de certains thèmes sont toujours d’actualité (notamment l’intrication entre politique et violence). Un roman hors norme qui a été avalé par le film de Kubrick (seul Lolita à mon sens a su résister à la machine kubrickienne) mais conserve sa propre puissance et sa propre noirceur, la principale différence entre le roman et le film venant de l’âge des protagonistes (Alex et ses drougs étant des ados, ce qui n’est pas vraiment le cas de Malcolm mcDowell).
À lire sans modération avec la B.O. légendaire de Wendy Carlos.