Premier tome d'une trilogie annoncée, La guerre est une ruse débute en Algérie en août 1992 avec l'attentat de l'aéroport d'Alger pour se terminer à Vaugneray, en septembre 1995 avec la mort de Khaled Kelkal.


On y suit Tedj Benlazar, officier de la DGSE chargé de confirmer aux algériens le parfait soutien de la France dans leur nouvelle vie de nation libre, et de s'assurer au passage que les intérêts de cette dernière sont bien préservés.


Tedj se fait passer pour un imbécile, ça l'arrange bien, personne ne se méfie.


Pourtant, alors qu'il passe comme chaque jour au centre de détention récupérer les rapports sans intérêt que veulent bien lui transmettre les services secrets algériens (DRS), il est invité à assister à l'interrogatoire disons... musclé, d'un jeune islamiste (ou supposé).


Au fond de la salle se tient un officier algérien aux lunettes cerclées d'or et un jeune homme en barbe et djellaba.


Tedj sent pointer le malaise en devinant des liens contre nature entre l'armée des janviéristes et les mouvements islamistes... évidemment, Tedj vient de mettre le doigt dans un engrenage assez dégueulasse qui va plonger l'Algérie dans des décennies d'une violence inouïe avant de se répandre de manière tentaculaire aux quatre coins du globe.


Extrêmement documenté La guerre est une ruse évoque donc l'après guerre d'indépendance, dont on a beaucoup parlé lors de la précédente rentrée littéraire, notamment avec le formidable L'art de perdre de Alice Zeniter.


Avec force détails, Frédéric Paulin nous plonge dans ces premières années de terreur et l'avènement des partis islamiques, en l'occurrence du FIS, puis les GIA (Groupes Islamiques Armés) sous l'impulsion des conservateurs pas trop pressés de voir les forces démocratiques succéder au FLN.


Une fois les islamistes en place, y'avait plus qu'à les discréditer en forçant un peu leur radicalisation afin d'asseoir définitivement le pouvoir des militaires.


Sauf que... Sauf que la bête a débordé les militaires, et le territoire.


Le récit est absolument passionnant et érudit.


Un peu didactique à mon sens dans sa première partie, il reprend un souffle romanesque, de manière parfois maladroite, dans la seconde moitié permettant ainsi une empathie bien utile dans ces méandres de noirceur.


Plus document que roman donc, le tout manque un peu de littérature en ce qui me concerne: style journalistique minimaliste, beaucoup de répétitions, personnages insuffisamment construits...


Pour autant, on sort de cette lecture à la fois fasciné et dégoûté de ce que peut faire l'humain pour un peu de pouvoir.


Je me plongerai donc volontiers dans le deuxième tome: Les prémices de la chute, qui devrait nous mener de Sarajevo à New-York en passant par Roubaix...


A suivre...

Chatlala
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le 14 juin 2019

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Chatlala

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