Mêlant fiction sociale et roman d’horreur dans un vibrant hommage à Stephen King et au cinéma du genre, Jean-Baptiste Del Amo met en scène les angoisses adolescentes et le passage à l’âge adulte au travers d’une maison hantée attirant irrépressiblement les lycéens d’un lotissement d’une banlieue résidentielle toulousaine.


C’est pour l’auteur une façon de parler de son adolescence, de son époque et de son milieu, lorsque, dans les années 1990, sa confrontation au monde adulte s’assortissait d’un sentiment d’étrangeté supplémentaire puisque, homosexuel, il se retrouvait à lutter pour se construire une identité à rebours de la norme. Dans ce quartier calme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui où, lycéens, lui et les jeunes de son âge s’ennuyaient, l’âme emplie de désirs naissants et parfois effrayants, une maison abandonnée se fait bientôt l’objet de tous leurs fantasmes. Malgré leurs peurs entretenues par d’étranges phénomènes, tous sont attirés par ce lieu jusqu’à l’addiction, tant il semble promettre une réponse à leurs désirs les plus secrets.


C’est ainsi que, encore attachés à des foyers familiaux globalement marqués par la défaillance des adultes – maladie, décès, alcoolisme, violence… –, ils ne peuvent se retenir, d’abord en bande, puis chacun individuellement, de revenir encore et encore explorer cet endroit qui, sous des apparences au début presque normales, se transforme peu à peu, en leur offrant l’accès à leurs désirs les plus enfouis et inavouables, en l’incarnation cauchemardesque de leurs pires fantasmes. D’abord teintée de fantastique, la chronique sociale se charge de toujours plus d’éléments horrifiques, pour autant de références cinématographiques, mais, surtout, en une mutation littéraire qui accompagne métaphoriquement le passage plein de peur et de mélancolie vers un âge adulte douloureusement dessillé.


Indéniablement addictif que l’on tremble ou non d’un tel mélange horrifique – à force, l’angoisse du lecteur finit par céder le pas à un détachement simplement curieux –, le récit magistralement mené autour de personnages à la psychologie fouillée, de références cinématographiques malicieuses et surtout d’une signification allégorique presque plus effrayante que ses ingrédients cauchemardesques – l’adolescence y est un passage vers l’horreur aux troublantes résonances autobiographiques – séduit finalement davantage par ce qu’il incarne du plus intime de l’auteur que par ses aspects les plus ouvertement fantastiques.


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Cannetille
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le 13 juin 2025

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