Une analyse pertinente des mécanismes sociaux qui sous-tendent le monde contemporain (avec des exemples qui, eux, ne sont souvent plus du tout contemporains malheureusement), malgré un ton parfois dogmatique et des prises de position quelquefois exaspérantes (le passage sur le pop art, même s'il repose sur certaines vérités sociologiques, m'a donné de furieuses envies de tartiner Baudrillard de claques).

La théorie principale (société de consommation comme ensemble de signes - objets, codes, actions, informations - vidés de leur sens, ne représentant plus que des mouvements eux-mêmes vides de sens) me paraît exposée de manière assez accessible, mais j'ai toujours eu du mal à me représenter l'accessibilité réelle (au néophyte) de ce type de texte, avec ma façon habituelle de m'empêtrer dans mon bagage culturel et intellectuel, que je présuppose souvent comme étant commun à tout un chacun. Ouvrage de vulgarisation ou étude ésotérique, impossible pour moi d'en juger.

Tout ce que je sais, c'est que le contenu de ce bouquin est monstrueusement déprimant. Il décrit des mécanismes d'aliénation qui sont en place depuis près d'un siècle, qui sont perçus en tant que tels, mais auxquels il est quasiment impossible de réagir de manière globale - toute tentative de réaction pouvant être détournée, réinterprétée, et réinjectée dans le flux principal. Ce livre met en garde contre ces mécanismes, mais en participe également.

Publié chez un grand éditeur, Gallimard (et pourtant j'ai dû le commander sur internet pour me le procurer, avant de le découvrir avec hilarité quelques semaines plus tard chez un bouquiniste), en tant que livre-objet-de-consommation (je l'achète, monsieur Gallimard gagne de l'argent, Baudrillard gagne, tout au plus, la satisfaction posthume d'un lectorat élargi d'une personne), lu et critiqué par moi-même sur ce site - et par d'autres avant, ailleurs - en tant que livre-signe-d'appartenance-culturelle (je le lis, je me conforte dans mes idées, je suis super rebelle et postmoderne, regardez-moi, je me regarde), déposé finalement sur une pile d'autres bouquins en tant que livre-intercalaire-à-livres (je lui trouve bien une valeur d'usage, finalement, mais est-elle vraiment si utile que ça?), son parcours est tout entier inscrit dans le schéma consumériste qu'il décrit. J'ai même utilisé une carte Magic, objet consumériste par excellence, comme marque-page (en plus, c'est une de ces cartes publicitaires qu'on trouve parfois dans les paquets, et dont un ami m'a refourgué toute une cargaison lorsque j'ai eu le malheur de lui dire que "ça pourrait au moins servir de marque-page").

Je surinterprète sans doute. Mais à la lecture de ce livre, j'ai eu l'impression que toute mon existence (et pire: mon acte de lecture de ce livre lui-même) n'était qu'une flamme fantomatique brûlant du vide pour dégager du vide.
Melusca
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le 29 août 2012

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le 29 août 2012

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Melusca

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