Rencontres du troisième pet. Exode de talents Français organisé par des colons d'une autre planète.

"Après les Belges et les Allemands, se dit le Glaude, y nous manquait plus que ça !"... "Allez, entre quand même . Y sera pas dit que Ratinier aura laissé un chrétien devant chez lui, même s'il est chrétien comme un âne qui recule"

Quelle perle ce livre! Le résumé SC dit tout...On croise des obsédés de "l'expansion économique", on croise un collapsologue, et un transhumaniste...et la télévision a "remplacé l'idiot du village" qui rassurait "ses imbéciles de concitoyens"; le milieu champêtre a aussi (déjà) perdu ses débits de boissons et nourrit ses animaux de "poudres de perlimpinpin" (ancienne expression si chère à notre Président actuelle).

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Je connaissais bien le film et suis ravi d'avoir lu le livre, encore meilleur. Je comprends mieux pourquoi Louis de Funès l'adore.

Dans son musée à St Raphael, à la fin, j'ai lu ses lettres de candidature à René Fallet pour l'adaptation...il lui promettait et s'inquiétait de ne pas "le trahir" etc.

Je me demande désormais si l'idée de l'écrire n'est pas issue d'une brève de comptoir quand trois ans plus tôt René Fallet a du être informé de la sortie et surtout du résumé du film de Steven Spielberg, 'Rencontres du troisième type' en 1977?

J'imagine bien ses amis au bar dire à Fallet, façon Les Vieux de la vieille,

que dans ce film, des scientifiques parlent aux petits hommes verts à coups d'orgues...ces magnifiques instruments "à vents"...Et qu'un Français de la Nouvelle Vague, Truffaut, est parmi eux.

Dans la pure si belle tradition française envers la culture Américaine, j'imagine bien Rene Fallet et sa clique en inventer une caricature vanneuse à la sketch des Inconnus ou à la Laurent Gerra:il a alors peut-être commencé à visualiser deux français les plus éloignés du germanopratin François Truffaut?...usant de leurs instruments "à vents".

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"D'accord, on y vieillit pas vite, mais on doit pas rigoler souvent! " (sur ta planète)
"C'est justement parce qu'elle est bonne qu'elle est dangereuse votre soupe" (des Jansénistes menacés par des Epicuriens? page 142/6)..."D'analyse en analyse (...) Nous en avons déduit que cette soupe est une soupe nommée plaisir" (page 216)

Dans sa version de 'Rencontres du troisième type' , un bon vent amène sur terre un extraterrestre coloré qui semble venir de la planète Tricatel tant ce qu'il raconte des moeurs et surtout nourritures de sa planète, m'a fait penser à l'usine à malbouffe de Julien Tricatel Guyomar dans l'Aile ou la Cuisse (sur le fond et sujets, un autre excellent film de De Funès).

Ce visiteur raconte qu'il mange des minerais....ça rappelle les minerais de viande qu'on mange de nos jours.

Il découvre la "bonne souplette" tant aimée par Jacquouille aussi.

Et ce colon d'un autre monde s'évertue à débaucher un expert en fabrication de bonne soupe:

Encore et déjà un livre sur la fuite des cerveaux!

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Guyomar jouera aussi le maire ici obsédé par "l'expansion économique" (c'est "ce qui manque aux villages français...un truc qu'existait pas dans votre jeunesse" leur dit il page 244/5),

mais il me semble à moi surtout obsédé par la bétonisation et la reconversion de terres agricoles en "parkings"...ce que les maires de France ont bel et bien beaucoup en effet pratiqué.

Il adore aussi le plastique (ça dure; c'est la matière dont seront faits "les arbres" de l'enclos à "singes"..."On les a prévus en plastique, vu que ça fait plus d'usage.").

Osant ajouter: "...c'est comme qui dirait de l'expansion économique qui serait en même temps écologique" (ancêtre du déjà greenwashing).

Car il rêve de faire un mini parc d'attractions pour satisfaire l'envie de se distraire de ces électeurs, ce qui agace et afflige Le Glaude, 20 ans avant le Philippe Muray et son Homo festivus, que SC et Fabrice Luchini me conseillent tant:

(Le Glaude allant plus loin, voire même déjà dans le désormais fameux déclinisme et surtout la collapsologie):_"On y voit bien depuis un moment, que la Terre est flambée, qu'y aura bientôt guère le choix qu'entre les camps de concentration et les parcs de loisirs. T'as des pays où qu'on suce que des boulons. T'en as d'autres où qu'on bouffe des pastilles pour digérer le trop plein qu'on bouffe. La mer aussi, elle est foutue,..."

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Ma scène préférée, non gardée dans le film, est quand nos deux ténors de l'anus sabotent un mariage (p.269) avant de partir en voyage.

Ils jettent à la sortie de l'église, non pas du riz, mais des pièces d'or qui font soudain tomber les masques proprets et se battre entre eux tous les représentants de la bonne société qui les ont tant jugés et moqués: même le curé, les grenouilles de bénitier, les mariés, soudain plus amoureux du tout..., les familles...tous se cognent comme lors d'un de nos Black Friday...

...mais ici pour attraper les Louis d'or, quitte à même les avaler pour les protéger plus longtemps.

Une vraie scène trash à la Ruben Ostlund de Sans Filtre ou The Square.

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J'ai aimé le moment où le profil du vieux chat se découpe grâce à la lune (p.263), 2 ou 3 ans avant qu' E.T. le fasse devant la lune, aussi dans un Spielberg.

(quand il le caresse tendrement, "des plombs de chasse roulaient sous sa paume, souvenir d'un coup de fusil"

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Extraits choisis:

Comme je ne sais pas écrire de textes comme vous, je vais vers la facilité d'extraits choisis dont le premier me rappelle X Files...

___après avoir déploré que les facteurs à pieds disparaissent...remplacés par un "préposé en camionnette anonyme (ayant) jamais une minute pour boire un canon", l'auteur regrette qu'

"Au village, il n'y avait plus d'idiot du village (ce qui me rappelle celui dans Les Banshees d'Inisherin). Dès qu'ils manifestaient leurs talents, on les ramassait comme des petits-gris (Paul?) pour les enfermer à l'asile psychiatrique. Ils y perdaient leur singularité, (...)

Idiots, ils permettaient à tous leurs imbéciles de concitoyens de se croire futés en diable (ce qui me rappelle encore Les Banshees d'Inisherin).

Sans idiot garanti, estampillé, on se regardait de travers (...)

En revanche, bien sûr, on avait la télévision. Mais ce n'était tout de même pas la même chose."

(page 14)

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__le châtelain local ne faisait plus "suer le burnous bourbonnais (...) il battait de ses propres mains l'eau des douves de son château pour en éloigner les grenouilles". (page 18)

Encore un homme qui s'est fait tout seul- du genre dont rigolait déjà en 1971 Louis de Funès dans 'Un arbre perché' où son Notable publiait et faisait la promotion de son best-seller "Je me suis fait tout seul'.

On découvrait ensuite que ce châtelain, Grand-chantre de la méritocratie ...vivait en fait aux crochets de sa femme héritière, Alice Sapritch.

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__les deux héros sont présentés comme :

"deux fossiles de la plus belle eau (...) de ces fruits secs, tannés, confits dans le vin rouge"

J'ai alors vu un mélange de Carmen Cru et Michel Houellebecq.

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___"Chérasse était donc demeuré célibataire , un de ces oubliés de l'amour qu'on surnommait, dans la contrée, "les vieux Gégène". Il s'en était consolé en apprenant à jouer de l'accordéon, instrument dont il estimait les sons plus mélodieux que ceux de la voix de la femme en furie"

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__"(ils) n'avaient respiré ni dans les mines, ni dans les métros. (...) leurs lapins ignoraient tout des farines de têtes de sardines , des granulés et autres poudre de perlimpinpin industriel" (page 27)

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___(le Glaude est privé de boisson un temps; son ami s'enivre de plus belle et chante à tue-tête):

"Désespéré, jaloux, le Glaude s'enferma dans sa maison (...) Dans le pré, Bonnot (son chat) s'amusait avec un mulot, plus sadique qu'une femme fatale jonglant avec un prof de maths'.

...Là, je me demandais pourquoi spécifiquement "un prof de Maths"? Et me suis demandé si René Fallet ne faisait pas allusion à la femme que rencontre le prof dans 'l'Ange bleu' de Joseph von Sternberg.

D'autant qu'il précise: "Au-dehors, le ciel était tout bleu".

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___une petite charge anti-PMA? et même GPA?:

"Y vont être mignons, les gamins, si elles se les fabriquent toutes seules à grands coups de seringue quelque part. Elles vont plus nous sortir que des rachitiques ou que des diabétiques, des monstres, quoi! Des hippocampes comme on en trouve que dans les mares!"

...avant d'accuser l'auteur de machisme archaïque et de le faire disparaître des bibliothèques, il est à noter l'ironie et l'humour de la forme car ces propos anti-monstres et "hippocampes" humanoïdes sont osés tenus par le bossu et petit vieux-garçon de l'histoire pourtant né naturellement et de manière chrétienne!...Fallet est très drôle et s'amuse de faire tenir ce genre de propos provoc' anti-avorton par justement un mélange de Guillaume Bats et Booder.

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___on retrouve les querelles habituelles entre travailleurs; les fainéants étant toujours les autres;

et les artisans inventant des hiérarchies de mérite entre métiers...le Glaude, sabotier, place haut son art et bas celui de puisatier...

"Dis tout de suite qu'on n'était que des manoeuvres, dans la puisaterie! Pourquoi pas des Arabes?" (sic; page 51)

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___"Alors là, avec une bavure de cette taille-là, on se retrouve mutés en Guyane, chez les nègres" (sic) Si ça vous amuse, pas moi. Je vois ça d'ici: "Des gendarmes abattent comme un chien un ancien combattant de quatre-vingt-cinq ans!"".

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____"nègre" et "arabes" seront encore utilisés une dernière fois page 94. On souffle après. Les artistes et intermittents redevenant la cible: "Tu mériterais une calotte, espèce de saltimbanque! " (page 126; il joue de l'accordéon dans les bals)

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____"Cré bon Dieu de vieille charogne, t'as un pot de chambre de cassé dans le ventre"...

"...des entrailles, sinon de la terre, du moins de celles de l'ancien sabotier jaillit un ululument qui n'avait rien d'humain"...

"C'est vrai que ça sent pas l'insecte." (page 72)...encore du racisme à la Starship Troopers?^^...: d'ailleurs la Denrée, trop bourré, se trompera et se perdra justement en chemin lors d'un de ses retours (page 232) pour atterrir sur une autre planète "où vivaient des mollusques..." dont leurs gendarmes le gardent 15 jours en échange d'une rançon.

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___"Je sais pas ce qui me retient de te foutre des calottes, espèce de polichinelle ! Et referme donc ta braguette, on voit ta croix de guerre!"

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__"Leur voisinage n'était en définitive constitué que de divers castors européens, d'hostiles, d'indifférents, d'antennes de télévision, de chauffages au fuel et gamins mal élevés qui rigolaient de leurs sabots..."

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__"Si on peut plus péter sous les étoiles sans faire tomber un Martien, y va nous en arriver des pleines brouettes" (page 88) ...m'a rappelé le barman dans Inisherin s'écriant qu'il ne serait plus "qu'une tête" s'il s'était amputé un peu chaque fois qu'un client était chiant.

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__le personnage de la gentille "Amelie Poulangeard"(...pas Poulain), m'a aussi fait penser à la petite vieille, et surtout son amie gênante, dont elle vient s'excuser au commissariat au début de 'Tueurs de dames' d'Alexander Mackendrick en 1956, pour aussi en avoir vus des extraterrestres...

"Cette habitante, poursuivit l'impitoyable brigadier Coussinet, a nom Amélie Poulangeard et est, comme vous avez pu vous en rendre compte, ce qu'on appelle une demeurée".

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___j'ai été ému quand le Bombé ayant très peur d'être encore brocardé (on dirait désormais "harcelé") et appelé "le père Soucoupe", refuse finalement à en parler...et il en pleure de frustration et solitude: "Et quelque chose de mouillé tomba sur le guidon du père Soucoupe" (page 113)

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___le moment où ce retraité retourne sur son lieu de travail est déchirant (pages 117) comme l'est plus tôt quand même l'Avare locale, piégée par une pièce clouée au sol.

Ou comme l'est l'histoire en passant du suicidé, qui s'était pendu, mais avait "pourtant" acheté le matin même des graines de radis...

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___#les violences policières de 2023? "T'y sais bien, que (les Gendarmes) battent tout le monde, même qu'y touchent des primes pour ça. Oui, mon Glaude, y z'ont pas hésité à frapper un diminué physique" (page 127)

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__page 154, la Denrée satisfait de la soupe et s'écrasant dans son fauteuil , repu, se transforme quasi en Gérard Larcher aux yeux du Glaude: "Il ne lui manque qu'un cigare au bec, songea le Glaude tout attendri (...) y a pas, y ferait un beau député ..."

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Dans le livre, le chapitre 8 sur le chat et quasi de son point de vue, découvrant qu'il vieillit,

est très beau et triste: "la vieuserie" commence pour lui aussi; même "s'il a quatre morts sur la conscience" (ils voulaient le tuer!).

Mais comme dans le film, la partie la plus émouvante reste quand même sa version de Solaris où un proche mort refait aussi une visite: le Glaude n'est certes pas Georges Clooney, qui m'avait tant ému dans sa version de Solaris en 2002, mais l'approche de René Fallet n'en est pas plus bête.

Cette visite est plus dure et cynique dans le livre que dans le film où la Revenante, Christine Dejoux, me semble bien plus tendre et ménageant son mari resté vieux.

Ici, elle veut par exemple euthanasier le vieux chat dés qu'elle arrive! (page 183)

Quel culot! ^^

Comme le Bombé bossu a le culot de dire que les enfants nés de PMA seront sans doute des monstres, la Francine, alors que ramenée à la vie, veut de suite qu'on tue "le chat pouilleux, tout galeux...une charogne...Faudra me lui flanquer un coup de fusil"(sic)...

est-ce une allusion au jeunisme nazifiant? à la perte d'empathie (endémique de nos jours)...l'ingratitude d'une jouvencelle venant pourtant d'être juste ressuscité elle-même?

La Revenante me semble plus dure et radicale dans le livre...qui est donc une sorte de charge juste un chouïa plus dure envers les hippies qu'est déjà le film?

Sa femme, désormais jeune, jouit sans entrave de son corps de suite.

Elle me rappelle (à juste titre) les revenants qu'imitent/inventent Robin Williams dans 'Le Cercle des poètes disparus' devant les photos d'anciens, de sa voix gutturale et zombiesque: "Carpe Diem" ...ils vous disent d'en profiter de vos 30 000 jours de vie.

Alors quand la Franc-ine, mini Franc-e, mini Marianne?, revient...elle est décidée à en profiter et surtout jouir. Marcher, baiser...Il est à noter que de façon hyper naturelle, elle cherche du travail quand même...elle se trouve un homme mais aussi un milieu professionnel de collègues, qui fait partie de son plaisir. Elle écrit au Glaude et lui décrit le poste qu'elle a trouvé.

Enfin, bref, une partie de l'histoire est une belle version même si en plus pétomane et Groslandaise, de Solaris de Soderbergh 2002.

"Le Bon Dieu, connais pas! Ne soyez pas brelot, monsieur Ratinier. Pas de superstitions d'un autre âge. Désirez-vous oui ou non revoir votre femme dans votre maison?..." "...et vivre 200 ans"? La Denrée me rappelle les défenseurs du transhumanisme sans foi ni Dieu? Un Laurent Alexandre en Casimir^^? Surtout qu'ils utilisent "une mèche de cheveux gris...coupé sur la tête à la Francine".
PierreAmo
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le 22 juin 2023

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PierreAmo

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