De ce professeur agrégé de français, enseignant à l'Université de Nancy, vous connaissez sûrement ses deux précédents romans, Les âmes grises, publié en 2003 chez Stock qui a obtenu le prix Renaudot, et La petite fille de Monsieur Linh, publié en 2005 toujours chez Stock. C'est la même maison d'édition qui a publié à la dernière rentrée littéraire son roman Le rapport de Brodeck, qui a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en fin d'année.

Situant son histoire une fois de plus pendant la guerre, Philippe Claudel qui "écrit des choses souvent graves, souvent tragiques, mais toujours éclairées par des lumières ou des espoirs", interroge le lecteur sur son humanité et sa volonté d'oublier, d'effacer ou de conserver en mémoire. "Je voulais observer l'humanité quand elle devient inhumaine", déclare-t-il dans une interview. Existe-t-il meilleure période que celle de la guerre pour évoquer la dérive des hommes et des esprits ?

Dans un lieu sans nom et une histoire sans date, qu'on comprend être un village d'une région frontalière de l'Allemagne après la seconde guerre mondiale, Brodeck est chargé par les habitants de son village de rédiger un rapport sur un évènement venant juste de se produire, un soir où les esprits sont échauffés par l'alcool et les véhémences du nombre. "D'avantage touché par la suggestion que par l'évidence", Philippe Claudel ne nomme jamais rien, et laisse le lecteur comprendre par lui-même les évènements passés à l'aide de descriptions et petits indices qu'il glisse.

Le rapport de Brodeck est un roman sombre et difficile, décrivant ce glissement de l'humanité qui se produit quand l'effet du groupe dilue les consciences et la culpabilité. Rejet des différences, méfiance de l'autre, de celui qui ne parle pas la même langue ou n'a pas les mêmes manière, autant de sujets que Brodeck aborde dans un rapport qu'il rédige secrètement et en parallèle du rapport officiel commandé par le village. Le seul reproche qu'on pourra trouver à ce roman serait celui de ce flou permanent, censé recentrer le lecteur sur le fond de l'histoire, et non sur le décors. A en préférer presque Les âmes grises...
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le 27 sept. 2010

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Brice B

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