Les forces est le deuxième roman de la sélection de France Culture pour le prix du roman des étudiants que j’ai lu. Couverture noire, titre en grand, format différent des autres romans. Je vois que j’ai une proposition littéraire hors norme.
Par ailleurs, l’autrice est présentée comme poète et romancière. Cela m’interpelle. Le genre de la poésie est boudé à notre époque, et pour une bonne raison, il est dur de se faire une place dans la littérature contemporaine en tant que poète. En poésie plus que dans tout autre art écrit, la question du style est primordiale. La poésie n’exige pas la narration. Ce livre, sera-t-il réellement un roman ? Aurons-nous donc l'œuvre d’une romancière ou d’une poète ?
“Personne ne sait écrire un poème. En particulier les poètes, car les poètes ne sont personne. Les grandes œuvres n’ont pas été écrites par les personnes, car les personnes cherchent à convaincre, à dire : ceci est vrai, ceci est faux, elles tombent dans un abîme qu’on nomme le discours. Les poèmes n’ont pas de but. Ils existent.”
Les forces est un parcours initiatique en cinq parties. La protagoniste et narratrice découvre dans un parcours étrange et philosophique la voix qui la porte.
Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je n’ai absolument pas apprécié la lecture de ce roman. L’autosuffisance de la narratrice et le manichéisme de l’ensemble des personnages gâchent tout effet philosophique ou réflexif. Si l’on était dans une satyre, cela ne serait pas surprenant, mais non, l’auteur veut nous apprendre quelque chose. Quand ce ne sont pas les personnages, c’est le style qui reprend le relais. Les répétitions en gras, en italique, en majuscules qui ne cessent que pour laisser place à des phrases prosaïques, faussement poétique et les théories parfois farfelues asséné comme sainte vérité.
“Et j’emploierai ici le terme lol. Oui. Lol. Tu te prends pour autre chose qu’une créature humaine naviguant dans l’étendue abstraite passé-présent-futur ? Lol. Tu te crois mieux placée que les autres pour assister aux dynamiques fondamentales de l’Histoire et de la société ? Nous apposons des mots sur les choses, je te le rappelle. Toi, pas moins que les autres. Chaque élément qui arrive à ta connaissance est traduit en pensée humaine, et dans la langue de ton pays, la langue française, tu y échappes ? Tu crois que les autres souffrent d’un mal que tu es seule à voir ? Tu crois qu’il existe une intériorité primitive dans laquelle tu puisses te cacher ?”
Mais je ne dis pas que l'autrice ne sait pas écrire ou que son propos est inintéressant, ou totalement absurde. Au contraire, je l’accuse de maîtriser son art et de ne nous donner qu’une pâle parodie de texte transgressif. Les forces avait le potentiel d’une œuvre philosophique. Car Laura Vazquez semble être une militante lucide de notre temps. Elle identifie très bien les phénomènes sociaux dans tous les groupes. Elle fait preuve d’introspection, elle pose les limites de ses capacités et de son environnement. C’est pour cela que je parlais de gâchis précédemment.
Étant donné que mon avis n’est que celui d’un lecteur parmi tant d’autres. Je peux recommander ce livre pour des parcelles de textes qui peuvent plaire. À ceux intéressés par la religion et la question de la foi du point de vue métaphysique, je conseille le chapitre “les sectes diverses unies dans un immeuble”. Il peut se lire indépendamment du reste. Pour ceux qui aiment les fables étranges certaines rencontres peuvent plaire également tout au long du roman.