Le livre de Laura Vasquez est déroutant. Il se propose une gigantesque explication du vivant. Des forces qui nous entourent et nous constituent, le capital étant la force principale, plus que la psychologie, plus que l’expérience. Cette société est régie par des forces et la narratrice refuse en bloc : les lieux communs, le conditionnement social, le parcours fléché de la vie « lamentable », pour reprendre une expression de Constance Debré.
« Personne n’est coupable », nous dit l’autrice, elle reprend le déterminisme spinozien à son compte :
« Les personnes humaines sont conscientes de leurs goûts et de leurs comportements, mais elles sont ignorantes des causes qui les poussent à adopter ces goûts et ces comportements. »
Cependant on sent que l’autrice, comme elle le dit elle-même, « se drogue aux phrases ».
Alors dans ce livre il y en a des phrases. Il y a beaucoup de discours, beaucoup de rhétorique, et très peu de place à la narration romanesque. Je vois ce texte plutôt comme un essai maquillé en roman d’apprentissage.
Alors oui il y a des personnages, mais ils font figure de porte-parole de l’autrice, elle rejette l’idéologie mais ne rejette pas la forme essai.
Le passage dans les sectes m’a un peu ennuyé, car il était surtout sorti du chapeau de l’autrice comme un lapin blanc.
Car oui, Laura Vasquez est une magicienne des opinions, elle est une magicienne lorsqu'elle explique la religion sous des formes sectaires. On comprend qu’il y a des clés dans ce texte, beaucoup de citations, que c’est le fruit de beaucoup de réflexions mises les unes à côté des autres.
Avec comme ligne de mire le néomarxisme :
« Le capital exige des individus qu’ils aient l’air agités. Savez-vous pourquoi nous sommes stressés ? Nous voulons préserver nos privilèges et en acquérir de nouveaux. C’est la source du stress. »
Tout cela est entendable mais j’ai un peu l’impression d’avoir à faire à un pot-pourri...
Partir en guerre contre la Famille, le Capital, les instances de formatage, voilà le but de l’écriture dense de Laura Vasquez. Le style de Laura Vasquez est tout à fait moderne, parfois on trouve de jolies phrases :
« De la même manière que nous pleurons nos morts, nous aimons nos frites. »
Et oui, Laura Vasquez a de l’humour, et c’est appréciable, j'ai ri quelques fois durant ma lecture, car elle distille des traits d’humour assez élaborés et totalement adaptés à la forme écrite, mais quitte à rire je préfère relire « Il faut que je vous parle » de Blanche Gardin publié chez J'ai lu.
En définitive, le livre, je l’ai dévoré en quelques jours, mais beaucoup la vérité qui irrigue ces pages est une redite. Peut-être était-il important de redire ces vérités.
Peut-être qu’il est temps pour vous de lire Laura Vasquez, poétesse et diseuse de bonne aventure marxiste…
*le titre de la critique est une citation de Lautréamont in Les forces.