J'ai enfin fini Les Misérables, monument de Victor Hugo que je n'ai pas lu mais écouté en livre audio, et j'ai beaucoup de choses à en dire, excusez moi donc si tout cela n'est pas très organisé. Il ne s'agit pas vraiment d'une critique, d'ailleurs, plutôt de simples pensées éparses.
Première chose, c'est un roman impressionnant, et pas toujours dans le bon sens du terme. Hugo se complet dans sa description passionnée de la France post-Napoléonienne, sans avoir l'air de se préoccuper du lecteur qui n'attend que la suite de l'histoire. C'est un roman lourd, tant des scènes qui pourraient être tendues se retrouvent coupées par une interminable digression sur l'architecture des égouts parisiens, ou bien sur des considérations philosophico-politiques sur ce que sont la bonne insurrection et la mauvaise émeute (ou l'inverse, je ne sais plus). Cela dit, on se surprend régulièrement à s'intéresser à ces digressions qui souvent rajoutent malgré tout un plus à la narration de l'histoire, mais comme je l'ai dis plus haut je n'ai pas lu ce livre, je l'ai écouté, et ça fait une énorme différence. Quinze pages de considérations historiques peuvent être d'un ennui mortel à lire, mais pour moi qui les écoutaient souvent en faisant autre chose, et bien cela passe tout de suite mieux. Il y a toujours un effort d'attention à fournir, mais bien moindre.
Second point, les personnages. Il y a bien sûr Jean Valjean et les personnages qui gravitent autour de lui du début à la fin, mais aussi une myriade d'autres extrêmement secondaires mais tout aussi bien construits et passionnants qui très souvent ont droit à une digression afin de les présenter.
Enfin, politiquement, beaucoup de choses décrites par Hugo font encore du sens aujourd'hui. Le premier exemple qui me vienne en tête, c'est Javert. Javert l'inspecteur de police qui ne vit que par et pour l'ordre, au mépris du bien et du mal, ce qui le rend honorable lorsque l'ordre est bon, mais quasi toujours monstrueux tant l'ordre est mauvais, écrasant tout ce qui n'est pas bourgeois. Javert servile envers les puissants, qui prend plaisir à écraser les faibles, est une relativement bonne incarnation du slogan ACAB. Bien sûr que notre société, deux siècles plus tard, n'est pas la même. Toujours est-il qu'à l'heure où un ministre de la justice propose de rouvrir un bagne en Guyanes, je trouve cela plutôt d'actualité.
Et le roman est plein de tout cela. Les temps ont changé, mais la misère reste la misère. Cependant, parce qu'il suit de bout en bout la vie des misérables, ce roman ne s'intéresse pas vraiment aux causes politiques de leur misère. Je dirais bien que c'est dommage, mais ce roman s'adressait peut-être plutôt à un lectorat lettré, donc relativement bourgeois, ce qui explique qu'Hugo joue sur leur compassion plutôt que d'en faire un vrai roman à charge. Et puis, Les Misérables est sortit en 1862, il n'y avait pas beaucoup à attendre pour lire le bouquin sur les causes politiques de la misère, sortit cinq en plus tard et publié par un certain Karl Marx.