Dernier épisode de la trilogie Les Enfants du désastre, un dernier volet attendu forcément avec beaucoup d'impatience lorsque l'on a adoré Au-revoir là-haut et Couleurs de l'incendie. Je terminerai Miroir de nos peines avec les mêmes sentiments, le même plaisir et la même satisfaction que lors de mes deux premières lectures et ce pour plusieurs raisons.


Là encore Pierre Lemaître fait preuve de son incontestable talent pour construire son récit de manière admirable autour de personnages puissants et attachants et autour d'un contexte toujours aussi bien documenté. Alors que le premier romain de la série avait l'élégance d'exploiter le "juste après" de la démobilisation à l'immédiate après-guerre, ce dernier place le contexte historique au moment du "juste avant" de la Seconde Guerre mondiale, de la drôle de guerre à la débâcle de l'armée française. Cet effet miroir est d'ailleurs entièrement assumé par l'auteur dès la phrase d'introduction qui rappelle le démarrage de Au-Revoir là-haut. La construction du récit, quant à elle, nous permet de suivre trois existences parallèles dont la seule qui puisse assumer avoir un lien relatif avec les deux romans précédents est celle de Louise Belmont, la fille de la propriétaire d'Albert Maillart et d'Edouard Péricourt et protégée/confidente de ce dernier vingt ans auparavant. Evidemment l'intrigue est intimement liée au rapprochement et aux liens qui unissent ces existences, la plume de Pierre Lemaître suffisant à le faire avec beaucoup de subtilité et de talent pour faire évoluer la narration de manière joliment surprenante.


Enfin je ne m'attarderai pas longuement sur les personnages car c'est la lecture du roman qui permet d'en mesurer toute la richesse mais il faut bien reconnaître que c'est l'attachement (ou la répulsion) à leur égard qui donne tout son sens à cette histoire. Salauds ou héros, victimes ou bourreaux (voire les deux en même temps la plupart du temps), Miroir de nos peines offre une collection "d'âmes en peine", pour reprendre les mots du père Désiré, perdues dans une guerre qui leur échappe rapidement et qu'il doivent rapidement apprendre à subir, soldats ou civils. Un portrait qui doit finalement être assez fidèle à ce que devait être l'état de la population française en mai-juin 1940.


Dommage que l'aventure s'arrête ici mais c'est le lot (et le sens) des trilogies. En réussissant le pari de la constance, Pierre Lemaître conclut un travail admirable et qui fera référence désormais dans la littérature française.

BenoitBarbibul
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 27 févr. 2020

Critique lue 247 fois

1 j'aime

Benoit Barbibul

Écrit par

Critique lue 247 fois

1

D'autres avis sur Miroir de nos peines

Miroir de nos peines
CykerLogo
5

Aïe aïe aïe

Grosse déception, moi qui suis un inconditionnel de Pierre Lemaître. Nous sommes à des années lumière des 2 premiers volets, qui étaient captivants et tellement mémorables. Dans "Miroir de nos...

le 17 janv. 2020

8 j'aime

Miroir de nos peines
Cortex69
7

Une conclusion qui souffre la comparaison

Avec Miroir de nos peines – peut-être le roman le plus attendu de ce début d'année –, Pierre Lemaitre clôt sa trilogie de l'entre-deux guerres débutée avec Au revoir là-haut en 2013, un roman qui a...

le 5 janv. 2020

7 j'aime

2

Miroir de nos peines
Cinephile-doux
7

Drôle de débâcle

Bien sûr que Miroir de nos peines était un succès annoncé. Impensable pour les lecteurs des deux opus précédents de Pierre Lemaitre de faire l'impasse sur le roman censé clore cette trilogie de...

le 26 janv. 2020

6 j'aime

1

Du même critique

Tu ne tueras point
BenoitBarbibul
3

Jésus part (encore) en guerre

Sachant que j'allais voir une oeuvre de Mel Gibson, je ne m'attendais pas franchement à de la prose marxiste. Franchement pas! Mais à la sortie du cinéma, je me suis rendu compte que j'étais encore...

le 4 déc. 2016

5 j'aime

3

Le Lambeau
BenoitBarbibul
9

Au-delà de la littérature...

Il y aurait tant à dire sur Le Lambeau, son sujet, sa construction, sa prose, son rapport à la réalité... Car Le Lambeau est un livre complet, incroyablement précis et dense, particulièrement...

le 24 mars 2019

4 j'aime

Les Oubliés
BenoitBarbibul
7

Un bijou esthétique assez touchant

Venu le moment du générique de fin de Under sandet, deux choses surprennent et frappent. La première est qu'il est tout de même étonnant que l'on puisse, encore aujourd'hui, découvrir de telles...

le 19 janv. 2016

4 j'aime