Ce livre est puissant par sa polyvalence. Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur surprend car il dépasse le message auquel on pourrait presque le réduire, c'est-à-dire une œuvre engagée extrêmement courageuse pour son époque (même pas la fin des années 60, le tout début !), publiée par une femme, de surcroit blanche et originaire d'une région très ségrégée.
Harper Lee surprend plusieurs fois le lecteur, aussi bien par des passages d'action très bien rythmés, que par des choix dans le récit qui prennent à contrepied ce que l'on pourrait atteindre d'une œuvre américaine. Par exemple, en condamnant (le deuxième héros de l'histoire) Tom Robinson, Harper Lee souligne en quoi la lutte pour les droits civiques est longue, et que ce n'est peut-être pas la décision finale de justice qu'il faut retenir, mais plutôt tous les efforts et les questionnements qui émergent grâce au procès.
Ensuite, ce roman apporte une légèreté agréable qui le rend très "lisible" en s'assurant de l'inscrire dans une vie d'enfants. Si ce regard apporte une vision naïve mais quasi-objective "version l'Ingénu" sur le racisme et la ségrégation, elle ramène aussi le lecteur dans son enfance, avec des souvenirs tendres que l'on a tous sûrement vécus. L'autrice nous porte grâce à cette nostalgie, et essaime le récit de personnages dont les caractéristiques sont intemporelles.