Risibles amours
7.5
Risibles amours

livre de Milan Kundera (1968)

Dernièrement, j’ai replongé dans "Risibles amours", de Milan Kundera, qui se trouve être un recueil de sept nouvelles, écrites entre 1959 et 1968, dans lequel le romancier entend porter un regard « lucide et désabusé » sur la société, et plus précisément sur les relations amoureuses.


Ma première lecture de ce recueil m’avait laissé une forte impression. J’avais 20 ans et le tableau désenchanté de l’érotisme dressé par l’auteur semblait faire écho à cette intuition intime que je nourrissais et qui reléguait l'amour à l’état de projection. Au fil des nouvelles, Kundera s’applique en effet à désacraliser l’amour et à jouer de malentendus pour illustrer la duplicité humaine. Le fait qu’il use d’outils narratifs propres à la forme théâtrale me plut beaucoup. Quant à l’illusion dont se bercent les protagonistes, elle m’évoquait le cycle de l’absurde de Camus car malgré leur volonté d’avoir une prise sur leur vie, les personnages ont en commun de souffrir d’un fatalisme qui les dépasse ; en résulte un décalage constant entre leur sérieux et l’incongruité des situations dans lesquels ils se retrouvent malgré eux.


Cinq ans plus tard, je reste sensible à ces thèmes qui sont, à certains égards, plutôt bien traités, mais ma relecture a été marquée par un sentiment de malaise immense face au traitement de la figure féminine. Le sexisme de ce recueil ne se cache pas : il est frontal, que dis-je, violent. La femme n’est toujours qu’un faire valoir dans un monde où l’homoérotisme est roi. Certains me diront que le recours volontaire aux préjugés vise à servir un propos lié au jeu des apparences. Malheureusement, cet argument ne convainc pas car cela se fait toujours au détriment des femmes qui semblent condamnées à être délaissées, à inspirer du dégoût voire même à être humiliées… Il aurait été bon que les représentations genrées n’aveuglent pas Kundera au point qu’il ne lui soit pas venu à l’esprit que donner de la consistance à ses personnages féminins aurait pu renforcer la qualité de ce regard qu’il veut « lucide ».


L’impression finale laissée en moi est celle de la finesse d’un propos étouffée par une caricature sexiste. Ah les vertus de la relecture !

idaculturemoi
6
Écrit par

Créée

le 4 août 2021

Critique lue 987 fois

9 j'aime

Critique lue 987 fois

9

D'autres avis sur Risibles amours

Risibles amours
Eggdoll
8

Friandise et ode à L'Ecrivain.

Une mise en bouche bien agréable à ma lecture de Kundera en Pléiade (oui je me vante, oui je suis fière). Je lis beaucoup. Mais je lis souvent, je l'avoue, par habitude, par défi, par désir...

le 11 avr. 2011

14 j'aime

Risibles amours
GustavoFring
9

Naissance d'un génie

7 nouvelles, toutes différentes mais toutes similaires à la fois, voilà ce paradoxe qui rend si attrayant et excitant le livre Risibles Amours quand on le lit. Durant tout le livre, Kundera excelle...

le 12 sept. 2015

11 j'aime

Risibles amours
idaculturemoi
6

@Idaculturemoi

Dernièrement, j’ai replongé dans "Risibles amours", de Milan Kundera, qui se trouve être un recueil de sept nouvelles, écrites entre 1959 et 1968, dans lequel le romancier entend porter un regard «...

le 4 août 2021

9 j'aime

Du même critique

Nouvelles orientales
idaculturemoi
8

@idaculturemoi

Et c'est avec délice que je me suis replongée dans les « Nouvelles Orientales », de Marguerite Yourcenar. C'est incroyable comme on peut se laisser embarquer dans des contrées lointaines en si peu de...

le 5 août 2020

3 j'aime

2

L'Art de la joie
idaculturemoi
9

L'art de la joie, comme une sagesse acquise à la longueur des années

Parfois on tombe comme ça, au détour d’une conversation, d’un podcast ou d’une publication, sur un bouquin qui nous titille. C’est immédiat, on le sens : celui-là, on le lira. J’ai pas une thune et...

le 29 déc. 2022

2 j'aime

Jane Eyre
idaculturemoi
7

Critique de Jane Eyre par Melissa Ida Hilaria

Laissez-moi vous parler de Jane.Elle est la rencontre littéraire à laquelle je ne m’attendais pas. Et je ne parle pas du livre en lui-même, non, mais bien de son personnage : Jane Eyre. Jane a le...

le 29 déc. 2022

1 j'aime