Peut mieux
Pour avoir lu la totalité de l'œuvre d'Amélie Nothomb, je suis dorénavant déçu de ses dernières publications, et celle-ci ne fait pas exception. Dans ce roman, Amélie nous raconte la vie de sa mère,...
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le 23 août 2025
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Dans la constellation littéraire d’Amélie Nothomb, Tant mieux s’inscrit comme le troisième volet d’un triptyque autobiographique affectif. Après avoir consacré Premier sang et Psychopompe à la figure paternelle, elle dédie cette fois son récit à sa mère, Adrienne, récemment disparue. Ce geste littéraire marque une étape de dévoilement intime, tout en retenue et poésie.
La perte maternelle a déclenché une peine si radicale qu’elle a longtemps réduit l’auteur au mutisme. De cette stupeur est né Tant mieux, réponse vitale au besoin de transfigurer l’absence par la fiction, dans un mouvement de réparation porté par une langue claire et vibrante.
Adoptant les contours d’un conte stylisé, le récit s’attache à quelques épisodes de l’enfance d’Adrienne, confiée à sa grand-mère le temps d’un été, alors que la guerre fait rage. Coupée de l’amour parental, la fillette vit dans une maison glaciale, sous l’autorité d’une vieille femme pingre et cruelle, une ogresse solitaire n’ayant jamais aimé que ses chats. Là où sa propre mère en était restée traumatisée à jamais, Adrienne, à quatre ans, traverse l’épreuve avec une lucidité précoce et une force tranquille. Sans haine, elle résiste, et incarne déjà ce « tant mieux » qui donne au roman son rayonnement.
Par sa brièveté, son intensité affective et son écriture cristalline, Tant mieux rejoint les œuvres les plus épurées de l’auteur, mais s’en distingue par une gravité sereine, presque testamentaire. Roman de deuil, de gratitude et d’adoration, il magnifie la figure maternelle dans sa part la plus fondatrice. Quelques tableaux suffisent pour inscrire le texte dans une forme elliptique savamment maîtrisée, nourrie par le flou des personnages secondaires, l’économie du verbe et une élaboration esthétique qui en décuplent la puissance poétique. Ce parti pris formel invite à une lecture sensible, attentive aux silences et à ce qui affleure en filigrane.
Amélie Nothomb compose un geste d’amour pur, un livre qui relie les vivants et les absents dans une langue de lumière. Avec une tendresse recueillie et une précision poétique, elle fait de l’enfance d’Adrienne un creuset où la douleur devient force. Chaque scène révèle une manière d’être au monde, faite d’optimisme lucide, de résistance douce et d’acceptation sans renoncement. Offrande magnifique, ce récit trace la voie d’une fidélité intime, d’un lien qui continue à vivre dans l’écriture.
Par la rigueur de sa composition, Tant mieux illustre la puissance de la stylisation poétique à élever l’expérience intime au rang d’universel. En transfigurant la mémoire en forme, Amélie Nothomb fait de l’épreuve une matière esthétique et de l’absence un lieu d’émergence. Le réel, filtré par l’art, se fait espace de résonance et de transmission.
Épuré, lumineux, transcendant, un livre qui sculpte l’intime en esthétique universelle, dans la sobriété patiemment façonnée d’une épure. Une gemme délicatement chatoyante, précieuse par sa limpidité. Coup de coeur.
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il y a 2 jours
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