Alien Earth, nouvelle itération du monstre le plus connu de l’histoire du cinéma, débarque dans une série de 8 épisodes. C'est peu dire que ce projet a suscité de nombreuses attentes du public tant la saga Alien et ses nombreuses déclinaisons sont devenues au fil des années un élément incontournable de la culture populaire.
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En effet que faire, que dire qui n'est pas déjà été dit et fait sur cette créature devenue une icône ? Et comment proposer un autre regard sur cette saga culte tout en étant enserré dans les exigences commerciales d'un show Disney ? C'était là tout le défi du réalisateur Noah Hawley. Le papa de Fargo, adaptation en série à succès du film des frères Cohen, semblait le candidat désigné pour mener à bien cette entreprise...
Mettons fin au suspens, le pari était impossible en réalité, d'autant plus sans décevoir les amateurs du monstre sous acide s’attendant à retrouver un Alien immuable tel qu'il existe depuis 1979 et le premier film. C'était d'ailleurs là tout le projet de Fede Alvarez et son Alien Romulus: Offrir en artisan habile les mêmes éléments d'un cauchemar ressassé devenu au fil des années une statue de cire du cinéma d’horreur, un vieux mythe fatigué et dévitalisé. Ridley Scott l'avait bien compris, lui qui tenta vainement d'autres voies, non sans trébucher, avec les pompeux films Prometheus et Covenant.
C'est ce choix d'un certain renouveau que suit une série qui essaye et propose plusieurs idées pour changer le regard sur un univers devenu au fil du temps et des films trop familier. La tentative est louable, même si tout n'est pas réussi loin s'en faut, et l'on pourra reprocher par le moment à la série une certaine faiblesse dans l'écriture, que ce soit au niveau des situations abusant des résolutions invraisemblables ou des personnages dont le traitement est inégal. Ce serait pourtant injuste de s’arrêter à des problèmes de cohérence scénaristique, qui, pour peu qu'on les dépasse, ne semble pas si important au regard de ce que la série peut offrir par ailleurs.
Cette dernière, en développant son récit sur terre, situe son intrigue au sein d'enjeux politique et financiers qui voit s'affronter différentes compagnies pour le contrôle de créatures extraterrestres. Ces nouveaux aliens sont indéniablement une des réussites de la série. Et particulièrement l'un d'entre eux dénommé l'Oeil, qui est terrifiant par le mystère qui l'entoure. On retrouve ainsi le temps de quelques scènes un petit soupçon du frisson lointain qui nous avait saisi devant le premier Alien ou la créature de The Thing de Carpenter. Cette peur primitive d'être face à une altérité radicale dépassant notre entendement humain.
L'un des apports de la série est également de déplacer le centre d'attention de l'Alien vers les synthétiques, des enfants mourants à qui l'on a transféré la conscience dans un corps de robot.
Ces âmes d'enfants dans des corps artificiels d’adultes amènent un sentiment d'étrangeté dans les différentes interactions qu'ils peuvent avoir avec le monde qui les entoure. La citation dans la série du conte de Peter Pan et des enfants perdus est à ce titre intéressante, même si l'on peut questionner la manière dont elle est abondamment convoqué au fil des épisodes, au risque de paraître trop chargée et grandiloquente.
Au final que ce soit avec ces nouvelles créatures parasites ou ces humanoïdes la série continue de creuser à sa manière et au risque de déplaire des thématiques qui traversent pourtant la saga Alien depuis ses débuts: La métamorphose, l'identité, le rapport à l'autre, la parentalité...pour au final se demander ce qui fonde notre humanité.
L'Alien quant à lui est relégué au rang de personnage secondaire. C'est là un destin logique pour une créature par bien des aspects surinvesti, surexploité et surexposé par l'industrie du spectacle.
D'ailleurs, cette Alien sortant de l'ombre jusqu'à apparaître en plein jour, filmé sous tous les angles, puis réduit au rang de bête domestiqué, n'est ce pas là la parfaite illustration de ce qu'est devenu Alien dans nos imaginaires contemporains ? Noah Hawley file là une métaphore stimulante nous invitant à nous interroger sur le rapport que nous entretenons aux objets culturels (à l'instar des sœurs Wachowsky dans Matrix résurrections, toute proportion gardée).
La figure de l'alien en prend un coup et n'en sort pas indemne mais pouvait il en être autrement d'une créature et d'un mythe dont il faudra bien se résoudre à faire le deuil.
Il serait ainsi peut être temps de laisser Alien retourner au mystère et à l'obscurité première qu'il n'aurait jamais dû quitter, quelque part, dans le silence de l'espace froid et lointain qui peuple nos cauchemars primordiaux.