Pour les fans de science-fiction, "Alien Nation" évoque souvent un souvenir diffus, un écho des années 80 où le genre s’invitait sur les chaînes grand public avec plus d’audace que de moyens. Diffusée sur FOX en 1989, la série dérivée du film éponyme de 1988 a rapidement suscité la curiosité : une société futuriste dans laquelle une race extraterrestre, les Tenctonese – surnommés les « Nouveaux Arrivants » – vit aux côtés des humains, non sans tensions, discriminations et frictions culturelles. Une idée puissante, presque visionnaire. Hélas, "Alien Nation" échoue trop souvent à faire honneur à son potentiel.
En tant qu’amateur de SF, j’ai été touché par la sincérité du projet, mais frustré par la réalisation. Ma note de 5/10 traduit cette dualité : une série qui veut bien faire, mais qui manque d’audace artistique et de profondeur d’exécution.
Ce que "Alien Nation" cherche à faire, peu de séries de l’époque l’ont osé : utiliser les codes de la science-fiction pour évoquer frontalement des problématiques sociétales. La cohabitation entre humains et aliens devient une métaphore évidente des tensions raciales et de la xénophobie. L’intention est louable, et certains épisodes vont même assez loin dans l’analogie, avec des thèmes tels que l’immigration, le racisme systémique, l’inégalité des chances, ou encore le métissage.
Mais très vite, la série se heurte à sa propre structure. En choisissant le format du procedural – une enquête policière par épisode – "Alien Nation" sacrifie une part de sa force narrative sur l’autel de la routine télévisuelle. On sent le tiraillement entre le désir de faire réfléchir et l’obligation de « remplir la case du jeudi soir ». Résultat : des intrigues souvent plates, des dialogues explicatifs, une évolution narrative trop timide.
Là où la série mérite vraiment l’attention des fans de SF, c’est dans la création de la culture tenctonese. Le travail de worldbuilding est réel, parfois même très détaillé : langue propre, traditions religieuses, physiologie particulière (le métabolisme sensible à l’eau salée, par exemple), rapports hiérarchiques inversés entre les sexes… Tous ces éléments construisent une espèce crédible, différente mais jamais caricaturale.
Mais là encore, on reste sur sa faim. Au lieu de plonger pleinement dans ce monde, "Alien Nation" se contente souvent d’en effleurer la surface. L’univers est utilisé comme toile de fond, rarement comme moteur dramatique. Un vrai paradoxe, tant l’univers semblait prometteur. L’impression que la série a été bridée par son format ou par des contraintes de production n’est jamais loin.
En termes de réalisation, on ne va pas se mentir : "Alien Nation" accuse son âge. Les effets spéciaux sont sommaires, les maquillages inégaux, la mise en scène souvent statique. Mais pour un œil habitué aux séries de SF de l’époque, ces défauts font presque partie du charme. Ce qui gêne davantage, c’est une direction artistique trop sage, une frilosité qui empêche la série de bousculer les codes ou de sortir de ses rails.
Côté casting, Eric Pierpoint (George Francisco) tire son épingle du jeu. Son personnage, alien intègre et père de famille, incarne une dignité et une empathie rares. Il donne du poids à des dialogues parfois maladroits. Gary Graham, dans le rôle de son coéquipier humain Sikes, est un peu plus inégal, mais leur duo finit par fonctionner grâce à l’évolution de leur relation, plus crédible que bien des dialogues qui les entourent.
"Alien Nation" appartient à cette catégorie d’œuvres de science-fiction qui fascinent plus par ce qu’elles promettaient que par ce qu’elles accomplissent. Pour un fan de SF, la série est un objet d’étude intéressant : elle montre comment le genre peut investir le quotidien pour parler du réel, comment des concepts puissants peuvent se heurter à la logique industrielle de la télévision.
Elle est aussi un rappel que la science-fiction ne se limite pas aux batailles spatiales ou aux dystopies high-tech. Ici, l’altérité se vit dans un commissariat de Los Angeles, dans une salle à manger familiale, dans les petits détails de la vie quotidienne. Mais encore aurait-il fallu que cette approche réaliste s’accompagne d’une narration plus audacieuse, plus incisive.
En résumé, ma note de 5/10 reflète un regard nuancé : "Alien Nation" n’est pas une grande série, mais elle n’est pas anodine non plus. Pour les fans de science-fiction qui aiment les concepts intelligents, les métaphores sociales et les tentatives un peu bancales mais sincères, elle vaut le détour. Pour ceux qui attendent une œuvre maîtrisée, dense, et captivante de bout en bout… il faudra regarder ailleurs.
Mais n’est-ce pas aussi cela, la richesse de la SF ? Découvrir, parfois, dans les œuvres imparfaites, les germes d’idées qui continueront de voyager bien après la fin du générique.