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La première saison de Black Mirror est lancée en 2011. Sept ans après, la saison 4 se termine : la boucle est bouclée, l’Homme ne découvre plus la technologie et le numérique mais il vit désormais avec. Personnellement cela faisait bien depuis mi-2016 que j’entendais parler de Black Mirror. Peu amateur de série, mais grand fan de la créativité anglaise, j’ai mis du temps avant d’avoir ne serait-ce que l’envie de commencer un épisode. On m’avait dit qu’il n’y avait pas vraiment d’histoire, que chaque épisode était dépendant et que ce n’était pas une série « classique », c’est-à-dire que tu ne pouvais pas bouffer en une nuit, en enchaînant mécaniquement les épisodes. J’ai alors malgré tout « bouffé », en janvier 2018, cette série qui fut à mes yeux une superbe découverte pour ne pas dire « aventure ».


SAISON 1 (7/10) :
Les trois épisodes de la saison 1 sont sympa à regarder, il y a toujours un fond intéressant. Mais la forme ne m’a pas toujours plu. L’épisode 3 de la saison 1 a finalement était l’étincelle qui a fait que j’ai commencé à bien accroché : dans cet épisode, il y a plus d’intimité. On nous propose une vision intérieure des personnages dans la mesure où ils restent maître d'eux-même. Dans l’épisode 3, on nous propose un décor sophistiqué, et des personnages captivants, soumis psychologiquement à la technologie dans la mesure où celle-ci impact directement leur vie personnelle dans un contexte moins fermé que dans les 2 premiers épisodes.


SAISON 2 (8/10) :
La deuxième saison commence comme la première s’est terminée : une histoire plus intime, dans un couple, où, là encore, la technologie va jouer sur la psychologie du personnage principal. Dans le deuxième épisode, on retrouve un contexte où l’on se focalise plus sur la situation ; mais ici, la forme est beaucoup plus travaillée à mon goût que dans la première saison. Alors qu’on se retrouve à suivre un personnage visiblement persécuté, on éprouve alors de l’empathie pour cette jeune femme visiblement prisonnière. Le twist final est somptueux. Tout s’effondre d’un seul coup c’est renversant. Le dernier épisode « Waldo Show » est là-aussi intéressant car il trouve le juste équilibre entre la situation et le personnage, bloqué dans une situation absurde. Notons aussi que l'épisode spéciale aborde un sujet plus complexe et ingénieux qui met en avant la question d'une forme de manipulation poussée de la conscience en quelque sorte. Et là le spectateur se fait lui aussi tromper...


SAISON 3 (9/10) :
Cette saison de Black Mirror est la plus poussée de toute la série. Tout simplement. Ici, dans chaque épisode, la série ne se contente plus de nous présenter une situation où un personnage, mais elle joue avec nos sentiments et nous immerge pleinement dans le cadre et la tête des personnages. Je pense notamment à l’épisode 2 où un jeune américain en quête d’aventure accepte de tester un jeu de réalité augmentée connecté à son cerveau. Mais la raison de cette « quête d’aventures » va rapidement rattraper le personnage et va finir par le détruire à travers ce jeu. Là encore, on retrouve une réflexion de fond autant sur la dangerosité de la technologie que sur ceux qui l’utilisent ou la subissent. La soumission sociale de l’individu aux technologies, notamment les réseaux sociaux, est incarnée de façon propre et intelligente par l’épisode 1 « Nosedive », puis de façon brutale et violente dans l’épisode 3 « Shut Up and Dance ». L’épisode 5 nous met en avant les dérives de la technologie au sein d’une armée, où elle sert ici à tromper l’empathie des soldats pour qu’ils se battent mieux... ou plutôt sans se poser de questions. Le dernier épisode (« Hated in the Nation ») propose un contexte proche du notre, mais dans une intrigue plus originale par rapport aux autres épisodes et aux allures d’un long-métrages travaillé (l’épisode dure près d’une heure et demie) avec un dénouement cinglant.


Je vous parle enfin de l’épisode 4 : San Junipero. C’est très clairement le meilleur épisode de toute la série. L’épisode de San Junipero a été nominé pour 10 prix dont 6 lui ont été attribué. L’histoire est planante, l’idée est géniale, les deux personnages principaux aux tempéraments opposés sont émouvants. L'atmosphère particulière qu'on nous propose dans l'épisode est exaltante, la BO signée Clint Mansell (compositeur de la BO du cultissime Requiem for a Dream) nous immerge encore plus dans ce monde si particulier de San Junipero. Ce qui est dans un premier temps intéressant à noter c’est le fait que cet épisode est le seul de toute la série où il y a un regard positif vis-à-vis de la technologie. Il y a plus de place à San Junipero pour réfléchir sur la condition de l’homme en tant que « consommateur » de la technologie : on parle ici de philosophie, de métaphysique dans la mesure où la technologie peut être bouleversante au bon sens du terme. La vie avant et après la mort est possible dans le monde proposé par l’épisode 4 et il nous fait alors poser beaucoup de questions sur notre rapport au monde des vivants mais aussi sur celui des morts.


SAISON 4 (7.5/10) :
Au vu de la qualité de la saison 3, l’ultime saison de Black Mirror m’a un peu laissé sur ma faim. Mais bon, ça reste quand même très sympa malgré le manque de créativité par rapport aux anciens épisodes. En même temps, les scénaristes sont déjà allés tellement loin jusqu’ici. Le premier épisode notamment (« USS Callister ») est assez plaisant : il reprend un peu les codes de l’épisode 4 de la saison 3 (« San Junipero ») puisque la plupart de l’intrigue se passe dans un monde virtuel. Mais cet épisode reprend également la question de la conscience artificielle évoqué dans l’épisode spéciale de la saison 2 (« White Christmas »), repris dans l’ultime épisode de la série « Black Museum » et aussi dans l’épisode léger et romantique de « Hang the DJ ». Dans l’épisode 2 « Arkangel », on se focalise encore une fois sur l’impact des technologies sur la psychologie de ses utilisateurs : l’originalité ici c’est que la technologie est un intermédiaire régissant un rapport de force entre deux personnages ; la fille qui est matériellement soumise à la technologie et la mère qui l’est psychologiquement dans la mesure où elle en fait une utilisation excessive et nocive qui aura des conséquences sur sa fille, et n'arrangera finalement en rien l'angoisse de cette mère. L’épisode 3 « Crocodile » est un peu moins poussé. On se contente ici de décrire une technologie permettant de visualiser les souvenirs de l’homme. A part ça, le reste du scénario c’est du déjà-vu. Puis il y a l’épisode 5 « Metalhead » qui n’a pas grand intérêt. Je ne dis pas que l'épisode est mauvais, loin de là : l'image est belle, c'est l'unique épisode tournée en noir et blanc et le déroulé de l"histoire est oppressant. Mais j'ai trouvé qu'il n'y avait pas un lien assez direct avec le fil conducteur de la série qui est avant tout (de mon point de vu) la remise en question de la technologie, surtout dans son utilisation au quotidien. De manière globale, cette saison 4 avait du potentiel, mais on se rend rapidement compte que les scénaristes sont à court d’idées, bien que la mise en forme soit alléchante.


Bref. Black Mirror fut une réelle surprise et je ne pensais pas qu’une série pourrait me procurer tant d’émotions. Ce qui rend cette série magistrale c’est tout simplement l’inversement progressif dans la remise en question du monde. Le danger n’est pas forcément la technologie mais plutôt l’homme ; la série est un questionnement (très) large sur notre rapport à la société en général et surtout dans notre sociabilité envers nos semblables. On sait que l’Homme est créateur et destructeur à la fois, mais Black Mirror nous rappel qu’au XXIe siècle la technologie est devenue notre nouveau pinceau mais aussi notre nouvelle épée.

AJour
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le 24 janv. 2018

Critique lue 303 fois

AJour

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