Certaines idées mériteraient de rester dans les tiroirs. Relancer Ironside en 2013, série emblématique des années 60, aurait pu être une occasion en or pour offrir un regard moderne, audacieux, voire engagé. À la place, NBC a pondu un remake aussi inspiré qu’un manuel de procédure, avec l’élégance d’un épisode de série policière générique un lundi soir pluvieux. Résultat : un produit froid, plat, prétentieux, et surtout profondément maladroit – voire dérangeant – dans son traitement du handicap.
Dès les premières minutes, on comprend que Ironside veut frapper fort. Le détective est en fauteuil roulant, mais il cogne plus fort que n’importe quel flic debout, grimpe les escaliers comme un chat et joue les durs à cuire dans des scènes d'action qui flirtent dangereusement avec le ridicule. Plutôt que d’humaniser la condition du personnage ou d’interroger les obstacles qu’un policier handicapé pourrait affronter au quotidien, la série choisit la carte de la négation pure et simple : "Regardez, il est handicapé, mais ça ne change absolument rien !". Et c’est là tout le problème.
En refusant de montrer la complexité – voire la fragilité – liée à la situation de son héros, Ironside tombe dans une caricature gênante, où le handicap devient un gadget esthétique, un simple élément de décor censé injecter du pathos artificiel ou du « badass » mal digéré. C’est une vision profondément paresseuse, voire hypocrite : on prétend être inclusif, mais on refuse obstinément de parler des réalités concrètes que cette inclusion implique. On gomme les aspérités, on évacue les enjeux, on fait semblant.
Blair Underwood n’est pas à blâmer ici. Il fait ce qu’il peut avec un rôle écrit comme un stéréotype ambulant : détective torturé, autoritaire, méprisant les règles et ses collègues. Mais rien ne sonne juste. Ses colères sont forcées, ses blessures émotionnelles surjouées, et son attitude oscille entre mépris hautain et moralisme creux. On aurait voulu un personnage complexe ; on hérite d’un cliché sur pattes qui pense qu’aboyer suffit à exister.
Côté intrigue, chaque épisode se traîne comme un épisode de procédure policière standard, sans la moindre surprise ni tension dramatique. La série tente parfois de jouer la carte du flashback ou du twist final, mais le tout reste prévisible, mécaniquement déroulé et sans la moindre once d’originalité. Quant à la réalisation, elle semble tout droit sortie d’un générateur automatique de séries NBC : éclairages sombres, décors interchangeables, scènes d’action génériques et musique dramatique au rabais.
Ce qui rend Ironside (2013) si frustrante, c’est qu’on sent une envie de "bien faire", mais sans la moindre lucidité artistique ou éthique. Il ne suffit pas de coller un fauteuil à un acteur valide pour parler du handicap. Il faut un regard. Un vécu. Une réflexion. Ici, tout est posture. On fait semblant d’être moderne, on fait semblant d’être profond, et au final, on accouche d’une série plus creuse qu’un script de téléfilm d’après-midi.
Avec Ironside (2013), NBC offre un parfait exemple de ce que l’industrie télévisuelle produit quand elle confond diversité avec cosmétique. Plutôt que de revisiter une figure forte de la télévision en la confrontant au monde d’aujourd’hui, elle préfère l’emballer dans un emballage clinquant et creux, espérant que l’on ne regarde pas trop à l’intérieur. Mais voilà : on regarde. Et ce qu’on y voit, c’est un raté total. Un 3/10 généreux, uniquement pour l’effort de casting.