À la base il y avait déjà de quoi être légitimement inquiet : Jeff Bezos possède suffisamment de pognon accumulé sur le dos du lumpenprolétariat dans les entrepôts sordides d'Amazon pour pouvoir lancer une fusée en forme de pénis géant dans l’espace mais il n'est même pas parvenu à gratter beaucoup plus que les droits d’adaptation d’une pauvre frise chronologique dans les appendices du Seigneur des Anneaux. Pour cette raison, il serait sans doute un peu injuste de comparer le travail des deux showrunners des Anneaux de pouvoir avec celui de la triplette Jackson-Walsh-Boyens sur Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit... mais je vais quand même le faire. D’autant qu’une partie non négligeable de ce qui ne va pas dans la série provient des films de Peter Jackson (que j’aime bien, hein, enfin surtout la première trilogie) : du fétichisme bien sale sur les décapitations d'orques, des acrobaties elfiques dignes de ninjas yamakasis sous speed, le besoin d’injecter régulièrement de la baston pour que tu ne t’endormes pas entre deux plans en drone au-dessus des vertes vallées de la Nouvelle Zélande, des fausses morts à gogo et des nains qui rotent.

Déjà, mégasurprise : les showrunners de la série n’ont même pas pris la peine de respecter la chronologie des événements du Second Âge alors que c’est à peu près la seule base solide dont ils disposent pour écrire leur bouzin. Passe encore qu’ils compressent un peu 3500 années d’histoire pour éviter les time jumps de l’Enfer… Mais globalement ils sont surtout partis en total freestyle. Dans le lore tolkienien, à la fin du Premier Âge, Sauron passe en mode repentance plus ou moins feinte après la défaite de son maître Morgoth, puis file se planquer au Mordor comme un gros lâche pour ne pas se faire taper sur les doigts trop fort par les Valar (les dieux locaux, je précise pour les béotiens). Après un bon millénaire passé à se faire bronzer la couenne à l’ombre de son volcan personnel, Sauron se déguise en super-bégé nazi et part en vadrouille chez les elfes pour les convaincre de forger les premiers anneaux de pouvoir.

Bon, manifestement, toutes ces histoires de manigances et de manipulations ça n’intéresse pas de ouf les scénaristes des Anneaux de pouvoir qui ont préféré faire jouer le spectateur au jeu du « qui est Sauron ? » en multipliant au passage les coupables potentiels et les fausses pistes. Ce qui peut éventuellement fonctionner dans un épisode de Scoubidou mais sur la durée d’une saison d’une série de fantasy médiévale ça finit par devenir un peu lassant d’autant plus que au final...

Sauron, c’est le personnage que tu suspectes depuis le début quand t’as un minimum de culture tolkienienne. Résultat, comme il ne faut pas que ce soit tout de même trop évident, le seigneur des ténèbres est interprété par un mec au physique lambda, avec une coupe de cheveux nounouille, plutôt girond si t’es branché coach sportif d’entreprise, mais avec le charisme d’un flan nature.

Du coup, il faut attendre le DERNIER épisode de la saison pour en arriver ENFIN au cœur du sujet — la création des trois anneaux elfiques, bin oui rappelez-vous c’est le titre de la série —, qui est évacué en moins de quinze minutes chrono alors que jusqu’ici le scénar’ a multiplié les arcs narratifs tous plus vains les uns que les autres, et qui fleurent bon le fan service neuneu. On nous refourgue donc des proto-hobbits et un simili-Gandalf, une origin story complètement pétée sur la création du Mordor (une éruption volcanique provoquée par un tsunami, ça me semble pas super legit mais bon je sais pas je suis pas Haroun Tazieff) et une intrigue interminable à propos d’un conflit concernant l’exploitation du mithril dans les mines de Khazad-Dûm qui finit en eau de boudin mais qui permet de justifier la présence à l’écran de quelques nains en mode sitcom familial des années 90 et de montrer, très brièvement, le balrog de la Moria qui est censé pourtant se taper une grosse sieste en attendant de passer Gandalf à la rôtissoire quelques milliers d’années plus tard. Quant aux Numénoréens, ils passent la moitié de la saison à se prendre le chou pour décider si oui ou non ça vaut le coup de sortir l’artillerie lourde pour aller sauver un village de 20 pécores menacé par des orques — spoiler : trop pas.

Au niveau des points positifs, on peut reconnaître que l’argent se voit un minimum à l’écran. C’est plutôt joli à regarder, surtout pour une série tévé, plus ou moins dans la continuité esthétique JDR des films de Jackson, avec une ambiance un peu plus peplum qui s'accorde bien avec l’univers moins crépusculaire du Second Âge. Les deux premiers épisodes sont bien réalisés, merci Bayona (mais ça se gâte par la suite). On relève même une ou deux idées pas trop stupides : par exemple, l’elfe corrompu qui considère les orques comme sa progéniture, en mode « ils peuvent avoir une seconde chance ? Merci ! », je dis pourquoi pas. En plus l’acteur est plutôt convaincant, contrairement à la Galadriel tarantinesque tellement obsédée par l’idée de venger la mort de son frère (mais qui semble totalement se désintéresser de la disparition de son mari dont l’existence n’est mentionnée qu’au septième épisode) qu’elle ne desserre pas la mâchoire de toute la saison, ou l’Elrond prognathe et nanophile. Malheureusement, il n’y a pas grand chose de plus à sauver. Même le thème musical de Howard Shore qui sert de générique pue la flemme.

Verdict : Relire Tolkien / 10

Tonton_Paso
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le 21 oct. 2022

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