Il y a beaucoup à saluer dans The Pitt. Forme sobre, tension constante, ambiance oppressante digne du réel : ici, pas de musique dramatique ni de plans glorieux, juste des visages fatigués, des corps abîmés et un hôpital en tension continue. Sur ce plan, la série est un tour de force : immersive, prenante, parfois bouleversante. Noah Wyle est exceptionnel, et plusieurs épisodes frôlent l’excellence.
Mais voilà : très vite, la série trahit le réalisme qu’elle s’était pourtant acharnée à construire.
The Pitt veut traiter de grands sujets — et c’est tout à son honneur. Violence, avortement, euthanasie, genre, immigration, justice sociale… sauf qu’au lieu de laisser les situations parler d’elles-mêmes, la série surécrit ses dilemmes pour en faire des démonstrations morales. Les médecins deviennent des juges, des détectives, voire des croisés idéologiques. Certains personnages n’agissent plus en soignants, mais en porte-voix politiques.
On a ainsi des scènes complètement invraisemblables : un médecin qui convainc une adolescente d’avorter en contournant la loi, une autre qui va menacer un patient intubé qu’elle soupçonne d’avoir agressé sa fille (!), ou encore un diagnostic “magique” d’une morsure d’araignée, confirmé par la capture de la bête dans une chaussure, façon Sherlock Holmes.
Et pendant ce temps, l’hôpital est censé crouler sous les urgences…
Le vrai problème, ce n’est pas qu’une série prenne position. C’est qu’elle sacrifie la cohérence professionnelle et humaine de ses personnages pour faire passer ses idées. Et dans une œuvre qui prétend s’ancrer dans le réel, ça ne passe pas. Cela brise le contrat implicite avec le spectateur : si tu me vends du naturalisme, ne m’impose pas du manichéisme.
Ce qui est frustrant, c’est que The Pitt aurait pu être une des grandes séries médicales de la décennie. Le talent est là, les enjeux sont réels, les acteurs sont habités. Il manquait juste une chose : faire confiance à la complexité du monde, sans la forcer à rentrer dans un scénario à message.