"Veep", c’est la politique sans le masque, la comédie sans pitié, et l’intelligence au service du ridicule. Si je lui attribue un 9/10, c’est parce qu’elle réussit avec une rare finesse à transformer l’absurdité politique en art de la dérision, portée par une Julia Louis-Dreyfus impériale dans son rôle de Selina Meyer.
Ce qui frappe d’emblée, c’est la capacité de la série à proposer une satire sans filtre, d'une acuité presque cruelle, mais toujours jouissive. "Veep" ne cherche jamais à rendre ses personnages aimables ou héroïques – bien au contraire. Ils sont égocentriques, incompétents, parfois pathétiques – et pourtant on les suit avec une fascination quasi addictive. La série trouve sa force dans ce refus du politiquement correct, assumant une critique acide mais jamais gratuite du monde politique.
Impossible de parler de "Veep" sans saluer la performance de Julia Louis-Dreyfus. Elle incarne Selina Meyer avec une précision et une énergie spectaculaires, oscillant entre fragilité narcissique et ambition dévorante. Son jeu donne toute sa densité à un personnage qui aurait pu n’être qu’une caricature. Chaque haussement de sourcil, chaque silence gênant, chaque explosion de colère est ciselé avec une maîtrise comique rare. Elle ne porte pas seule la série, mais elle l’élève à un autre niveau.
Là où beaucoup de comédies politiques peinent à trouver leur équilibre entre message et humour, "Veep" s’impose par une écriture d’une redoutable précision. Les dialogues fusent, denses et drôles, chaque réplique semblant taillée pour frapper juste. La série s'autorise une cruauté jubilatoire dans ses punchlines, mais sans jamais perdre son rythme ni son élégance. Le langage ordurier devient presque une forme de poésie, tant il est maîtrisé.
L’alchimie entre les personnages secondaires est un autre pilier de la série. Gary, Amy, Dan, Jonah… chacun apporte sa couleur au tableau d’ensemble, formant un écosystème de névroses et d’ambitions contrariées. Leur dynamique interne – faite de trahisons minuscules, d'obsessions ridicules et d’égo surdimensionnés – donne à la série une profondeur et une tension constantes, même dans ses épisodes les plus "statutaires".
Pourquoi pas 10/10, alors ? Peut-être parce qu’à certains moments – rares mais notables – la série s’enlise légèrement dans sa propre formule. Un excès de cynisme, une répétition des schémas, une mécanique trop bien huilée qui laisse peu de place à la surprise émotionnelle. Mais ces petites faiblesses ne font que souligner à quel point le reste est brillamment exécuté.
"Veep", c’est le théâtre absurde du pouvoir, une comédie noire ultra-efficace où chaque mot est une gifle déguisée en sourire. Si elle ne laisse aucune illusion sur la politique, elle nous offre en revanche un spectacle jubilatoire, mené tambour battant par une actrice au sommet de son art. Une série qui fait rire autant qu’elle fait grincer des dents – et c’est précisément ce qui en fait un bijou.