Sorti en 2013, l’album Because the Internet de Donald Glover, plus connu sous son pseudonyme musical Childish Gambino, s’inscrit dans une démarche artistique plurimédia qui dépasse les frontières du simple format musical. Ce projet ambitieux, mêlant musique, scénario écrit, et univers visuel, témoigne d’une volonté de créer une œuvre conceptuelle complète. Néanmoins, si l’intention artistique est indéniablement audacieuse, l’exécution, quant à elle, apparaît parfois inégale, voire confuse, ce qui justifie une réception nuancée.
L’un des traits les plus distinctifs de Because the Internet réside dans sa tentative de construire un récit fragmentaire, disséminé à travers les pistes musicales, des interludes énigmatiques, et un script accompagnant l’album. L’objectif semble être de refléter le morcellement identitaire et existentiel de la génération numérique, tiraillée entre exposition permanente et solitude latente. Cependant, cette volonté de brouiller les repères narratifs peut finir par desservir l’ensemble : l’auditeur peine à saisir une ligne directrice claire, et le propos semble parfois se diluer dans une complexité gratuite.
Sur le plan musical, l’album offre plusieurs moments de réelle réussite. Des titres comme “3005”, “Telegraph Ave” ou encore “Sweatpants” témoignent d’une production soignée et d’une recherche sonore originale, mêlant pop, rap, et éléments électroniques avec efficacité. Ces morceaux révèlent une réelle maîtrise de l’équilibre entre accessibilité et expérimentation.
Cependant, cette inventivité se heurte à une certaine irrégularité dans la qualité des compositions. Certaines pistes paraissent moins inspirées, voire anecdotiques, ce qui nuit à la cohérence de l’ensemble. L’album donne parfois l’impression d’un laboratoire d’idées, dont toutes ne sont pas abouties, ni pleinement intégrées au propos global.
Au-delà des considérations techniques, Because the Internet s’impose surtout comme le témoignage d’un artiste en transition. Glover y explore ses doutes, ses contradictions, et son rapport au monde, dans une posture réflexive typique des œuvres de bascule. Si cette introspection donne lieu à des fulgurances sincères et touchantes, elle est parfois noyée sous une couche de dérision ou de second degré, rendant l’interprétation plus difficile et le message moins limpide.
En définitive, Because the Internet se distingue par la richesse de son ambition artistique, mais souffre d’un manque d’équilibre et de clarté dans son exécution. Ma note de 6,5/10 traduit cette ambivalence : il s’agit d’une œuvre à la fois fascinante et frustrante, qui pose les jalons d’une identité artistique forte sans parvenir à en maîtriser tous les ressorts. C’est un projet qu’on admire pour ce qu’il tente, plus que pour ce qu’il réussit pleinement.