Note : 7.5/10
Il y a des albums comme des souvenirs flous : doux, estompés, baignés d’une lumière dorée mais un peu lointaine. Ghost on Ghost appartient à cette catégorie. Il ne se donne pas, il s’effleure. On y entre comme dans une pièce aux rideaux tirés, où chaque son semble traversé par une sorte de nostalgie soyeuse.
Dès les premières secondes, on est happé par cette ambiance unique, entre jazz délicat, soul pastel et folk caressant. Tout est ciselé, presque trop. Les arrangements sont comme des gestes précis : cuivres discrets, cordes aériennes, touches de piano qui tombent comme des gouttes de pluie sur du velours. La voix de Sam Beam flotte au-dessus de tout ça, familière et rassurante, comme celle d’un conteur qui murmure plus qu’il ne raconte.
Et pourtant, quelque chose glisse.
Ce qui manque, peut-être, c’est ce petit grain de sable qui enraye, ce frisson inattendu. Ghost on Ghost est beau, sans doute, mais c’est une beauté sage. Un peu distante. Comme si l’émotion restait sous cloche, retenue par une élégance un peu trop assumée. On admire, on apprécie… mais on ressent moins.
Au cœur de cette atmosphère, The Desert Babbler s’élève comme un moment suspendu. Il y a dans ce morceau quelque chose de lumineux, presque secret. La ligne mélodique est simple, mais elle touche. Elle touche parce qu’elle semble sincère, un peu nue malgré les arrangements qui l’entourent. C’est une chanson qui parle de passage, de silence, de choses qu’on ne dit pas. Et ici, enfin, l’émotion affleure. Pas dans un éclat, mais dans une lumière douce, vacillante. On a l’impression que Sam Beam s’autorise enfin à baisser un peu le masque.
C’est peut-être pour ça qu’elle marque davantage : elle dit ce que le reste de l’album ne fait qu’effleurer.
Ghost on Ghost n’est pas un album qui bouleverse, mais un album qui enveloppe. Il a la classe d’un vieil hôtel aux murs tapissés de souvenirs, mais parfois, on aimerait qu’il claque une porte, qu’il sorte dans la rue, qu’il pleuve un peu. Il y a du talent partout, mais un manque d’abandon. C’est peut-être le prix à payer pour cette beauté tranquille : elle réconforte, mais ne fait pas battre le cœur plus vite.
Avec Ghost on Ghost, Iron & Wine nous offre une œuvre fine et feutrée, portée par une atmosphère soignée et une maîtrise certaine. Mais cette élégance, aussi réussie soit-elle, bride parfois l’émotion brute que l’on espère. Reste un album apaisant, sincère à sa manière, et habité de belles trouvailles – dont The Desert Babbler, qui, à elle seule, éclaire tout l’album d’un éclat plus vrai.