Ghost on Ghost
6.8
Ghost on Ghost

Album de Iron & Wine (2013)

La beauté tranquille d’un souffle retenu

Note : 7.5/10


Il y a des albums comme des souvenirs flous : doux, estompés, baignés d’une lumière dorée mais un peu lointaine. Ghost on Ghost appartient à cette catégorie. Il ne se donne pas, il s’effleure. On y entre comme dans une pièce aux rideaux tirés, où chaque son semble traversé par une sorte de nostalgie soyeuse.


Dès les premières secondes, on est happé par cette ambiance unique, entre jazz délicat, soul pastel et folk caressant. Tout est ciselé, presque trop. Les arrangements sont comme des gestes précis : cuivres discrets, cordes aériennes, touches de piano qui tombent comme des gouttes de pluie sur du velours. La voix de Sam Beam flotte au-dessus de tout ça, familière et rassurante, comme celle d’un conteur qui murmure plus qu’il ne raconte.


Et pourtant, quelque chose glisse.


Ce qui manque, peut-être, c’est ce petit grain de sable qui enraye, ce frisson inattendu. Ghost on Ghost est beau, sans doute, mais c’est une beauté sage. Un peu distante. Comme si l’émotion restait sous cloche, retenue par une élégance un peu trop assumée. On admire, on apprécie… mais on ressent moins.


Au cœur de cette atmosphère, The Desert Babbler s’élève comme un moment suspendu. Il y a dans ce morceau quelque chose de lumineux, presque secret. La ligne mélodique est simple, mais elle touche. Elle touche parce qu’elle semble sincère, un peu nue malgré les arrangements qui l’entourent. C’est une chanson qui parle de passage, de silence, de choses qu’on ne dit pas. Et ici, enfin, l’émotion affleure. Pas dans un éclat, mais dans une lumière douce, vacillante. On a l’impression que Sam Beam s’autorise enfin à baisser un peu le masque.


C’est peut-être pour ça qu’elle marque davantage : elle dit ce que le reste de l’album ne fait qu’effleurer.


Ghost on Ghost n’est pas un album qui bouleverse, mais un album qui enveloppe. Il a la classe d’un vieil hôtel aux murs tapissés de souvenirs, mais parfois, on aimerait qu’il claque une porte, qu’il sorte dans la rue, qu’il pleuve un peu. Il y a du talent partout, mais un manque d’abandon. C’est peut-être le prix à payer pour cette beauté tranquille : elle réconforte, mais ne fait pas battre le cœur plus vite.


Avec Ghost on Ghost, Iron & Wine nous offre une œuvre fine et feutrée, portée par une atmosphère soignée et une maîtrise certaine. Mais cette élégance, aussi réussie soit-elle, bride parfois l’émotion brute que l’on espère. Reste un album apaisant, sincère à sa manière, et habité de belles trouvailles – dont The Desert Babbler, qui, à elle seule, éclaire tout l’album d’un éclat plus vrai.

CriticMaster
8
Écrit par

Créée

le 16 avr. 2025

Critique lue 2 fois

CriticMaster

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Ghost on Ghost

Ghost on Ghost
Eric-BBYoda
7

Critique de Ghost on Ghost par Eric BBYoda

Il y a toujours un vrai bonheur à découvrir un album "lumineux", ouvrant des fenêtres ou des portes sur des sensations élémentaires (bucoliques même...), finalement peu explorées par un Rock plus...

le 18 juin 2013

Du même critique

Battlestar Galactica
CriticMaster
9

Le pouvoir sous pression : politique en apesanteur

Battlestar Galactica (2004) n’est pas seulement une série de science-fiction, c’est un laboratoire politique sous haute tension. Si je lui ai mis 9/10, c’est parce qu’elle réussit à conjuguer tension...

le 3 juin 2025

2 j'aime

Des abeilles et des hommes
CriticMaster
9

Le bourdonnement d’un monde en péril

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un documentaire qui m’a profondément marqué : Des abeilles et des hommes, réalisé par Markus Imhoof en 2013. J’ai choisi de lui attribuer la note de 8,5 sur 10, et...

le 30 avr. 2025

2 j'aime

Everwood
CriticMaster
8

une série qui m’a parlé au cœur

Il y a des séries qu’on regarde, et d’autres qu’on vit. Everwood fait clairement partie de la seconde catégorie pour moi. En lui attribuant 8/10, je reconnais qu’elle n’est pas parfaite, mais qu’elle...

le 12 juin 2025

1 j'aime