I'll
7.3
I'll

Manga de Hiroyuki Asada (1995)

Que ceux qui désirent une autre histoire de jeunes désœuvrés engagés sur les sentiers de la perdition et sauvés - in extremis - par le sport lèvent la main. Ne faites pas les timides. Allez quoi, vous êtes pas manchots que je sache, faites voir les paluches. Non ? Personne ? Eh bien c'est à moi de m'y coller. De m'y engluer même. Encore une lecture dont je ne serais pas ressorti tout propre.


Rien que les titres des chapitre en anglais donnent le ton. L'anglais, voyez-vous, ça fait d'jeuns vous comprenez. Et les d*'jeuns*, qui sont une catégorie sociale fictive à laquelle s'adressent pourtant bon nombre d'auteurs avec une obstination crasse, eh bien ils ont leurs problèmes à l'américaine. Du tragique teenager avec le vernis de fond aux couleurs U.S mais aussi la boîte de ramen à portée de main, histoire de pas oublier d'où on vient. Voilà d'où I'll tire sa substance. Autant dire que si on veut manger de ça, il vaut mieux ne pas avoir un trop gros appétit.
Ça devient de plus en plus difficile pour moi d'aborder des œuvres qui, d'emblée, affichent la vacuité en étendard. Pas à cause des remords, mais de la lassitude. Je sais par avance ce que je vais déguster et donc, ce que je vais vomir dans les plus brefs délais. Et ça, voyez-vous, c'est éprouvant pour les nerfs. Quand rien que la table des matières vous donne des frissons, c'est qu'il est grands temps de considérer la retraite stratégique sinon la reddition. Mais je ne peux pas baisser les armes, pas devant la médiocrité. C'est salissant de la pourfendre, mais c'est surtout nécessaire. Je marche dedans pour que vous n'ayez pas à le faire alors, de grâce, apprenez de mes critiques, ne serait-ce que pour que la souffrance de mes lectures n'ait pas été vaine.


Un manga sur la jeunesse donc ; c'est un Shônen, ne l'oublions pas. Un manga sur la jeunesse écrit par quelqu'un qui, visiblement, n'a jamais été jeune ou qui, en tout cas, n'a jamais éprouvé la moindre sensibilité à cette époque. Je ne dis pas qu'Asada Hiroyuki n'a aucune âme..... mais je le sous-entends. Et pas que du bout des lèvres.
Il n'avait pourtant que vingt-huit ans quand il a commencé I'll, ses années de jeunesse n'étaient pas si loin derrière mais, s'il ne les a pas oubliées, il les a abominablement mal restituées. J'ai lu ici les errements d'une bande de geignards faits d'encre et de papier, pas celles de personnages vivants et authentiques.
Il en faut plus que quelques airs blasés entre autres jérémiades pour témoigner des mal-être d'une génération, quand bien même ces derniers ne se soucieraient que de basketball.


De la table des matière à l'entrée en matière, on ne peut pas dire que des efforts soient opérés pour donner envie de lire. Avant qu'une amélioration du dessin notable ne s'observe à partir du troisième tome, les dessins des personnages sont assez rigides ce qui, dans un manga sur le basket, était relativement inapproprié. Ça s'assouplit sous la plume de son auteur et devient digeste par la suite, mais je n'en retiendrai pas grand chose. Pas grand chose en dehors de sa proximité avec les dessins de Toru Fujisawa, notamment ceux de la fin de sa période Shônan Junaï Gumi qui, par le plus grand des hasards, coïncide avec celle des débuts de I'll.


À quoi pourrez-vous vous raccrocher, vous, les insouciants qui n'auraient pas suivi les mises en gardes que constitue ma critique ? Aux gags poussifs tout juste bons à faire du remplissage ? À l'absence absolu de charisme émanant des personnages qui nous sont ici servis ? Très honnêtement, c'est à jurer que ces derniers ont été écrits par un homme qui n'a jamais rencontré de jeunes dans sa vie ou, au mieux, par un collégien qui s'essaie aux mangas à défaut de savoir en rédiger un.
Vous l'aurez deviné, c'est le festival des poncifs qui recommence, accompagné comme de coutume par son plus funeste cortège. Vous y retrouverez, encore une fois, des personnages faussement excentriques, des "cools ténébreux" modèle 1986 et des personnages féminins qui sont....... restons polis, cela vaut mieux que de qualifier l'insignifiance personnifiée pour ce qu'elle est ici. Autant vous dire que tout jeune déjà, I'll commençait son parcours en étant grabataire.


Et il serait bien évidemment naïf de se figurer que quoi que ce soit de bon, de nouveau ou même de vaguement original ne ressortira de la dynamique de rivalité sur laquelle s'installe l'œuvre. Ce qu'il y a à suivre, ça n'est rien d'autre que les aventures de Kaneda et Tetsuo en filière SEGPA option sport. Hiroyuki nous rejoue la partition bien connue de la camaraderie sportive induite entre les rivaux Sakuragi et Rukawa, à peu de choses près qu'elle n'a ici rien de crédible, ne prend des formes que parce que la narration le veut et non pas parce que le fil du récit y conduit naturellement l'intrigue. On offre alors le spectacle d'une camaraderie de façade prévisible et démunie de la moindre crédibilité narrative. Une aubaine pour le lecteur, à condition de s'être crevé les yeux au préalable.
C'est creux parce que c'est vide. Cent fois j'ai déjà lu ça. En mieux le plus souvent. Comme quoi, ça a beau avoir été écrit durant cette période bénie des années quatre-vingt-dix, il faut croire qu'au terme de cette lecture, l'adage «c'était mieux avant» ne peut que s'en trouver durablement compromis.


Oui, ça sent le faux et on n'y croit pas à moins de faire semblant. Mais, si je n'ai, jusqu'à maintenant, que suggéré l'idée du plagiat en évoquant la proximité du dessin avec ceux de Fujisawa, je me permets d'insister sur l'évidente et inévitable proximité avec Slam Dunk paru six ans plus tôt.
Ceci, ressemble à s'y méprendre à cela. Vous en tirerez les conclusions qui s'imposent, pour ma part, je me réserve encore quelques centilitres de venin de côté, car il y a encore matière à le cracher, croyez-moi.


Voilà en tout cas un manga qui gagne à se résumer rapidement : «Ouais, t'façon, le basket j'm'en fous» sera alors entonné comme une douce ritournelle en bruit de fond de la part d'un personnage qui, pourtant, continuera à se trouver des prétextes pour jouer au basketball durant quatorze tomes.
Avec, bien sûr, quelques séances de bastons adolescentes aseptisées entre chaque partie de basket histoire de varier les déplaisirs. Qu'on se le dise, tout ce petit monde lycéen va passer le plus clair de son temps à se maraver la margoulette (comme disent les d'jeuns n'est-ce pâs) sans que, jamais, le professorat n'intervienne. Que les néophyte ne s'en étonnent pas, cette manie nous vient de la convention Shônen-Furyô ratifiée en 1990, cette dernière spécifiant que les collégiens et lycéens peuvent faire absolument tout ce qu'ils veulent dans l'enceinte de l'établissement scolaire sans jamais à avoir à en assumer les conséquences. Faut pas s'interroger sur le pourquoi de la chose, c'est culturel, voilà tout. Circulez donc et acceptez cet état de fait sans questionner.
La convention est d'ailleurs si bien respectée par monsieur Hiroyuki que l'on en viendrait presque à crier à l'excès de zèle. Car figurez-vous que dans I'll, la quasi-intégralité des rapports humains entre mâles résultent d'un gnon en pleine gueule. Quand on ne sait pas quoi écrire - et cela arrive souvent à l'auteur - on dessine des lycéens qui se tapent dessus pour se présenter. Cela aussi est spécifié dans la convention Shônen-Furyo. Il s'agit, de mémoire, de l'alinéa deux de la première clause.


Petite délicatesse de gourmet, I'll nous aura été servi par les éditions Glénat. La version française, à ce titre, est succulente, avec des insultes de d'jeuns telles que «couillon de la lune», qui, déjà durant la décennie quatre-vingt-dix, était démodée depuis un demi siècle au moins. Ça fait partie du charme des éditions Glénat de l'époque. Il faut au moins céder sans résister aux plaisirs du nanar pour sauver le soldat I'll, sans quoi, vous n'y trouverez pas grand chose de comestible.


Mais que serait un manga mal écrit sur la jeunesse de son époque sans ses amourettes chiantes ou du dramatisme ronflant pour espérer gagner en épaisseur tout en se remplissant de vide ? On a, dans l'ordre, la liste des ingrédients de la recette des mangakas qui se sont engagés dans leur œuvre sans savoir par avance ce qu'ils allaient écrire. Une recette qu'on ne nous aura que trop servie, j'en ai bien peur. J'en suis en tout cas gavé pour ma part.
Entre la défaite de l'équipe et l'accident de son personnage principal en guise de conclusion, là encore, Hiroyuki rend difficile si ce n'est impossible la comparaison entre son œuvre et Slam Dunk. J'ai beau m'efforcer de ne pas prononcer le mot plagiat, il me chatouille dangereusement les lèvres.


Après cette lecture d'un nouveau manga dispensable car n'ayant offert rien de plus que ce qui existait déjà, j'en viens à me dire qu'à force de côtoyer le néant sur papier, je pourrais au moins me permettre de le tutoyer. C'est vrai qu'à force, y'a comme une amitié qui s'est liée entre nous au fil du temps. Il faut dire qu'on ne se quitte que rarement compte tenu des mangas que je suis amené à critiquer.
I'll aura eu le mérite de m'intimer cette révélation. C'est peut-être l'œuvre inutile et creuse de trop, celle qui m'amène à la réalisation amère mais lucide que les bons mangakas se dénombrent à raison d'un pour dix selon les estimations les plus positives. Si, après avoir subi Kuroko's Basket, il vous fallait une raison de plus pourhaïr le basketball ou bien la jeunesse, I'll Crazy Kôzu Basketball Club est là pour vous. Il n'a été, je crois, conçu qu'à cet effet.

Josselin-B
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le 9 oct. 2020

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Josselin Bigaut

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