La Guerre des Oscars

"1917" ou le film qui rafle tout sur son passage depuis peu. Le Golden Globe du meilleur film et du meilleur réalisateur et probablement quelques Oscars prochainement. Avec Sam Mendes à la réalisation, difficile de ne pas saliver devant son projet, surtout avec toutes les promesses annoncées. Ici, un film de guerre. Rien d'original jusqu'ici mais l'annonce d'un film fait en un long plan-séquence de près de deux heures ne pouvait que rendre les plus sceptiques curieux et excités.

Bien que la démarche ne soit pas neuve, souvenons-nous de l'excellent "Birdman" d'Alejandro González Iñárritu en 2015 ou même du plan-séquence d'ouverture renversant d'Alfonso Cuaron dans le chef d'oeuvre "Gravity" en 2013, l'idée de la mettre en place à un travers un film de guerre était franchement prometteur. Le pari est-il réussi ? Oui mais ... il y a des mais.

Le problème avec ces films qui enchaînent les grosses récompenses c'est qu'il est difficile de ne pas en tenir compte lorsqu'ils sont vus le jour-j. Qu'on le veuille ou non, notre niveau d'exigence est forcément plus élevé dans ces conditions et la déception peut se faire ressentir lorsque le résultat ne nous parait pas aussi grandiose que ce que l'on pouvait fantasmer et c'est le cas de "1917". Pas un film mauvais film loin de là, mais forcément décevant par rapport à tout ce que l'on peut entendre à son sujet. Il est un très bon film, une expérience de cinéma spectaculaire et imparable mais pas LE film ultime car ses défauts sont présents.

Voir le film de Sam Mendes ailleurs que sur un grand écran serait une erreur. "1917" est un film à vivre uniquement en salle. C'est d'ailleurs entre autres sur ce point que l'on peut être sceptique sur le fait que ce film restera ou non dans les mémoires, dans l'histoire du cinéma. Il est évident que quiconque le verra au cinéma ne pourra que ressortir secoué et admiratif. Pas sûr qu'il produise le même effet chez soi.

Outre son impressionnante démarche artistique et technique dont le rendu est indéniablement incroyable, "1917" se montre moins convaincant sur le plan scénaristique. Le plan-séquence est un travail de minutie exemplaire. Il est plus que palpable ici, les coupes ne se remarquent pas, et c'est peut-être sa force et sa faiblesse en même temps. Tout est tellement bien millimétré, orchestré que cela empêche l'émotion de gagner le terrain. Le réalisateur pense tellement technique et mise en scène qu'il en oublie assez régulièrement d'instaurer un souffle émotionnel, de l'âme.

De ce fait, tout semble beau mais jamais bouleversant alors que l'on sent une volonté évidente de Sam Mendes de clouer le spectateur sur place à coup de scènes d'émotion brutales mais elles n'opèrent pas vraiment. Notamment une que l'on ne spoilera évidemment pas mais qui ne pouvait qu'amorcer la quête existentialiste du personnage principal, impeccablement campé par George MacKay par ailleurs, sans qu'il crève l'écran et c'est bien dommage. La faute comme il l'a été dit plus haut à cette obsession technique, une fois de plus parfaite mais qui parasite l'émotion attendue dans un film de ce genre.

En résumé, "1917" est un bon film. Cela peut sembler sous-payé par rapport aux retours élogieux depuis quelques temps mais c'est modestement efficace on peut lui accorder cela. Le temps nous dira si le film de Sam Mendes restera gravé mais ce n'est pas sûr car l'idée du plan-séquence est toute de même vieille depuis la nuit des temps et a été faite dans des oeuvres bien plus fortes.