28 ans plus tard
6.2
28 ans plus tard

Film de Danny Boyle (2025)

Résumé


28 Ans plus tard se déroule se déroule 28 après l’épidémie qui avait ravagé le Royaume-Uni dans les films précédents. Contrairement à ce que laisse entendre 28 Semaines Plus Tard, le virus ne semble pas avoir atteint l’Europe et seul le Royaume-Uni, mis sous quarantaine a été touché. Seules quelques communautés subsistent, dont celle qu’on nous présente au début du film. Elle vit en total isolement sur l’île de Holy Island, au large de la méditerranée, reliée au continent par une chaussée traversable seulement en marée basse. Plus d’électricité, plus de médecine moderne, et un retour à des armes primitives comme les arcs et flèches. C’est là que vit Spike, un garçon de 11 ans, avec ses parents, Jamie et Isla, gravement malade. Les jeunes de cette île doivent explorer le continent pour commencer à se confronter aux infectés, c’est un rite de passage à l’âge adulte. C’est là-dessus que se concentre la première partie du film bien que ce passage à l’âge adulte soit une thématique majeure tout au long du film. Ce voyage va être assez mouvementé, Spike et son père vont tomber sur une meute d’infectés et leur alpha ainsi qu’un condamné que Spike devra achever. Pour leur retour, une immense fête est organisée, le père est fêtard, danse, boit et finit par commettre un adultère alors que Spike n’est pas très à l’aise et rentre assez tôt chez lui pour rester auprès de sa mère. Après une dispute avec son père, Spike décide de quitter l’île avec sa mère pour chercher de l’aide auprès du Dr.Kelson, un ancien médecin considéré fou par les habitants de l’île. S'engageant davantage dans un récit qui traite de l’enfance, la parenté, la guerre, la mort et l’appartenance à un groupe.



Esthétique


Visuellement, le film a une esthétique propre, très saturée bien que renouant avec celui de 28 Jours Plus Tard notamment avec des plans très bas, parfois à même le sol ou sous la taille des infectés (je me serai passé de voir le giga paf de l’alpha) pour souligner leur vitesse. De même avec quelques plans en drone procurant une impression de vitesse et de course poursuite. Les plans filmés par un iPhone 15 (avec beaucoup d’équipement derrière bien-sûr) permettent une meilleure immersion ainsi que de renouer avec l’aspect documentaire du premier volet. Ces plans sont souvent filmés comme du point de vue d’un voyeur ou d’un infecté.



Scène d’ouverture


Je trouve souvent cela décevant que les films et même les films d’horreur ne prenne pas assez de liberté au niveau de la violence au point même que ça décrédibilise les menaces. Alors, pour bien nous mettre dans le bain, Boyle a décidé de commencer son film en massacrant l’innocence des enfants et les enfants eux-mêmes ! Je ne dis pas que je prends plaisir à voir des gamins se faire arracher la gueule mais ça ne m’a pas déplu. D’ailleurs, cette scène a également l’utilité d’introduire un personnage qu’on ne verra réellement qu’à la fin du film et qui aura certainement un rôle majeur dans la suite. Il s’agit de Jimmy, le seul enfant rescapé, qui se parvient à se cacher pendant que son père, un prêtre illuminé, se fait contaminer par une horde d’infectés.


La seconde scène d’ouverture introduit le personnage principal, Spike, et sa famille (ainsi qu’un foreshadowing de Jimmy et son équipe par la figurine d’un Power Rangers que Spike met dans sa sacoche). Son père fait à manger pour son fils pendant que sa mère, malade, s’agite brusquement à l’étage au point qu’elle pourrait être prise pour un infecté. Le film débute sur un jour très important pour Spike : un rite initiatique où il explorera le continent avec son père et deviendra un homme. La première partie du film se concentre sur ce premier voyage mais le passage à l’âge adulte reste une thématique présente tout le long du film.


L’île


L’île est un village de quelques centaines d’habitants où chacun a un rôle à prendre pour servir le village. On pourrait la qualifier de patriarcale, les hommes prenant les métiers les plus physiques tandis que les femmes sont assignées aux préparatifs, l’enseignement, le textile et la cuisine. Une seule femme nous est présentée comme une leader du village. Néanmoins, les mœurs ne semblent pas avoir fait un bond de géant en arrière et les femmes demeurent respectées. Les habitants sont solidaires et bienveillants, notamment envers Spike qui part pour sa première sortie en dehors de l’île. Il est à noter qu’aucun personnage non-européen (ethniquement) ne semble vivre sur l’île, c’est un élément important du film mais je reviendrai dessus plus tard. D’autre part, un personnage apparaît brièvement dans certaines scènes, portant un masque, il semble invisible aux yeux des habitants. Un masque similaire est mis sur les mannequins d’entraînement. Qui ou quoi représente-t-il ? Ont-ils fabriqué un masque si singulier simplement pour imiter un infecté ? Ou est-ce une personne sacrifiée ? Un ennemi d’un autre village ? Je pense que les scènes avec ce masque sont là pour nous avertir que quelque chose cloche sur cette île et que son passé pourrait ne pas être aussi blanc que l’on pourrait le penser. Si mon analyse s’avère juste, cela sûrement développer dans le deuxième film.


Le voyage avec sa mère


À la suite d'une dispute avec son père à propos de son adultère et son refus d’aller voir le Dr.Kelson, Spike décide de fuir le village avec sa mère pour aller eux-mêmes le trouver. Il veut s’émanciper de l’île et réussir là où son père a échoué. Contrairement à ce que son père voulait lui apprendre, on ne devient pas un homme en tuant des infectés mais en faisant tout son possible pour aider ses proches. Cette double casquette, père et fils, rend la mère confuse à cause de sa maladie ce qui la pousse souvent à appeler son fils papa. Pour en revenir au père de Spike, je ne pense pas que son père en soit un mauvais, par son personnage, Boyle brosse le portrait réaliste d’un homme ayant passé presque toute sa vie en pleine apocalypse. Bien que stoïque, il n’est pas sans émotion, loin de là, il essaie d’être un bon père mais le monde dans lequel il vit lui rend la tâche bien plus ardue. Conscient de ses erreurs, il essaiera sans doute de retrouver son fils dans le prochain film, j’ai hâte de voir ça. Quant à la mère, c’est une force tranquille, malgré la maladie elle est douée d’un instinct maternel immuable au point de protéger l’enfant d’une infecté et tenter de la sauver. Lors de leur périple, ils vont être secouru par Erik, un soldat suédois arrivé là car son bateau a coulé (je crois, j'ai trouvé ce personnage assez ennuyant donc je me rappelle pas de tout). Ce personnage est utilisé comme une confrontation entre le monde de Spike et le reste du monde. Cela donne des scènes relativement comiques où Spike ne comprend pas de quoi parle Erik. Hormis cela, j'ai trouvé que c'était un personnage assez énervant (c'est voulu mais je trouve le trait trop grossi) et surtout qui n'apportait rien à l'histoire et au développement des personnages.


La volonté d’émancipation de Spike et sa colère envers son père lui fait avoir un rêve étrange, où sa mère est presque entièrement immergée dans l’eau appelle son fils pendant que son mari s’amuse à faire des ricochets, complètement indifférent. C’est une scène très intéressante et lourde de sens. Elle intervient avant que Spike voie son père tromper sa femme, on peut donc penser que l’inconscient de Spike ressent déjà un désintérêt de son père pour sa femme. D’ailleurs, par le lancer de pierre, on pourrait y voir l’expression imagée “To get your rocks off” qui signifie “avoir un rapport sexuel”, plus littéralement “tirer son coup”. On peut également voir quatre cairns, comme les quatre piliers du mariage chrétien : la liberté, la fidélité, la fécondité et l’indissolubilité. Un de ces piliers s’effondre, celui de la fidélité, en prémonition de l’adultère commis par le père. Par ce manquement, c’est le foyer qui s’effondrera, symbolisé ici par la maison dans laquelle se sont réfugiés Spike et son père qui s’effondre. D’ailleurs, le père était dos à ces piliers, pour marquer son éloignement vis-à-vis de son mariage. On peut également souligner que malgré le sol tremblant, la mère reste calme, la mère, ne se noie pas et reste, elle aussi, très calme. On peut y voir une référence à la scène de l’examen du docteur, il lui demande si ses crises viennent par vague et elle affirme que c’est plutôt par marée. Également, après que le docteur lui fasse part de son diagnostic, elle dit qu’elle se doutait qu’elle avait un cancer mais qu’elle ne savait pas comment l’annoncer, ce qui explique pourquoi elle appelait son fils. Finalement, dans un dernier élan de lucidité et d’amour, la mère s’en va avec le docteur qui va lui administrer un sérum pour l’aider à mourir en paix, ce qui donnera lieu à une scène magnifique. A l’image de la blancheur de son crâne, elle sera purifiée de la maladie avant que Spike grimpe l’édifice de cranes pour le mettre au sommet, les yeux vers le lever de soleil. C’est un nouvel horizon pour Spike, il a accompli sa quête et a réussi là où son père a échoué. Il comprend que sa place n’est pas sur l’île, pas pour le moment et qu’il doit continuer à voyager. Par là, je pense qu’il s’identifie au docteur, d’ailleurs, sa présence était étonnamment réconfortante. Il a fait preuve d’une grande douceur avec Spike et sa mère aussi glauque qu’il puisse être. Confronté à la mort toute sa vie, il comprend que le devoir de mémoire et d’hommage aux morts est fondamental pour une société mais surtout pour l’homme, d’où la construction du Bone Temple. Le docteur a eu l’occasion de tuer l’alpha plusieurs fois mais il a toujours préféré le tranquilliser, il agit là dans une démarche médicale, presque zoologique. Tout comme un médecin en HP agirait avec des patients très violents, il préfère les tranquilliser que de les tuer. Alors qu’il est vu par les habitants de l’île comme un dérangé du ciboulot, il est l’unique personnage à ne pas avoir déshumanisé les infectés et à les traiter avec dignité.


Le film se termine sur la rencontre de Spike et un groupe de survivants, reprenant les codes punks et des Power Rangers, dirigé par Jimmy Crystal, le fils du prêtre qu’on voit au début du film. Il est le fils du Père (le prêtre, mais on appelle également Dieu “mon Père”) et ses initiales sont “JC”, tout comme Jésus-Christ. Alors, Jimmy pourrait se prendre pour le nouveau messie, ce qui expliquerait ses symboles religieux blingbling. En regardant une vidéo, j’ai vu une analyse très intéressante de ce personnage que je vais partager dans cette critique. Jimmy est inspiré de Jimmy Savile, un DJ et présentateur TV britannique très en vogue des années 70 jusqu’à sa mort. Mais il est aussi tristement connu comme le pire prédateur sexuel que le Royaume-Uni n'ait jamais connu avec une “activité” étendue sur une soixantaine d’année, ayant agressé des personnes de tout âge et de tout sexe. En prenant en compte cela et l’horrible condamnation qu’il a réservé au deuxième infecté que tue Spike (celui pendu par les pieds, il y a gravé sur son torse “JIMMY”), on peut légitiment penser que derrière ses airs sympathiques et tape-à-l'œil, Jimmy est la personnification même du mal. J'ai hâte de voir ce que ce personnage nous réserve pour la suite...


Pour en revenir aux infectés, dans le premier film de la saga, les infectés pouvaient courir, sauter, grimper et on a même vu un enfant parler. On pouvait se douter que les infectés auraient évolué dans cet opus, personnellement c’était mon cas. Désormais, les infectés peuvent ouvrir des portes, agir en groupe, certains ont également un mode de vie différent où ils rampent et se nourrissent de vers et d’insectes (et infectent les humains à l’occasion). Il y a également des alphas, des hommes chez lesquels le virus agit en partie comme un produit dopant, les rendant plus agressifs, forts, résistants mais aussi plus intelligents. Ce virus étant lié à celui de la rage, on peut imaginer qu’il a un lien avec le taux de testostérone d’un homme. Ainsi, les hommes ayant un taux élevé seraient plus sujets à devenir des alphas. Cette théorie peut être soutenue par le fait que l’alpha vu dans le film est un homme extrêmement grand et musclé et doté d’une forte pilosité. Je suis d’autant plus curieux de voir comment les infectés vont-ils évoluer. L’alpha va-t-il enfanter d’autres femmes ? Que deviendront ces enfants ? Quand vont-ils tous apprendre à se reproduire ? A nager ? A établir des stratégies ? A chasser avec des armes ? D’ailleurs, en parlant d’évolution, de conflit, de société... les infectés ne se rapprocheraient pas t-ils de plus en plus des êtres humains sains ?


Un film de zombie ou de guerre ? L’histoire de l’Occident


Et si ce n’était pas un simple film de zombie mais une représentation du “passé” guerrier de l’Occident ? Dans la première moitié du film, le montage introduit régulièrement des scènes de guerres médiévales, avec des techniques de combat comparables à celles de habitants de l’île. Ces passages sont introduits de manière brute, comme un documentaire présenterait des vidéos d’archive. Peut-être que ces vidéos sont le reflet des combats actuel entre les hommes sains et les infectés. J’ai même plus loin, après mon visionnage, j’ai pris conscience de quelque chose de particulièrement troublant : il n’y avait aucun non-européen parmi les habitants du village, les rares non-européens aperçus sont parmi les infectés. L’alpha est joué par un homme noir et les infectés rampants par des asiatiques. Tout comme les occidentaux ont déshumanisés certains peuples pour les tuer sans remords, les infectés sont déshumanisés pour être tués sans le moindre questionnement moral. Leur altérité justifie leur anéantissement car ils ne sont plus humains, ni même semblables mais simplement des bêtes inutiles et dangereuses pour la race humaine. 28 Ans Plus Tard n’est pas un simple film de zombie sinon un film retraçant le passé sanglant de l’Occident, d’abord, dans l’Antiquité, des peuples sont qualifiés de “barbares” s’ils ne parlent pas la même langue et ne partagent pas le même modèle de civilisation. A la renaissance et à l’époque coloniale, les peuples sont déshumanisés pour être mieux massacrés et exploités. En 1550 a lieu la Conférence de Valladolid pour déterminer si les natifs d’Amérique ont une âme... Le jugement ? Ils n’en ont pas. La suite ? On la connaît. Face à une crise sanitaire majeure, l’humanité répète ses erreurs alors qu’on pensait cela impossible, d’un ancien temps. Danny Boyle avait d’ailleurs déjà utilisé l’aspect ethnique pour traiter de la déshumanisation dans 28 Jours Plus Tard avec l’infecté enchaîné, interprété par un acteur noir. Par ailleurs, l’alpha nommé Samson est une référence à un personnage de la Bible, connu pour sa grande force physique et qui a pour devoir de protéger son peuple. Dans la même idée, la musique jouée pour le retour de Spike et son père est “Delilah” de Tom Jones. Dans la Bible, Delilah est une phénicienne dont Samson tombe amoureux mais qui finit par le trahir. Ce n’est pas une coïncidence et c’est un des multiples symbolismes religieux de la saga qui sera compris dans les prochains films. Alors, ce n’est plus une guerre sanitaire mais une guerre civilisationnelle, entre les vestiges d’une société déchue et une civilisation émergente qui, temporellement, est à la Terre ce que l’humanité est à l’univers.


Conclusion


28 Ans Plus Tard, derrière ses aspects de film d’action horrifique post-apocalyptique agit comme un devoir de mémoire du passé exterminateur de l’Occident et plus globalement de l’homme. Ce devoir est explicitement une thématique majeure de l’œuvre grâce au personnage du Dr.Kelsen et son immense mausolée. Ce film interroge notre rapport à l’autre dans les moments les plus graves, on pourrait croire que dans de tels situations, nous sommes contraints de mettre la morale de côté. Pourtant, c’est tout l’inverse, les crises sont pour l’homme des phases de liberté car nous sommes confrontés à des choix extrêmes qui mettent notre humanité à l’épreuve. Déciderons-nous de reproduire les erreurs de nos ancêtres ou prendrons-nous un chemin différent ? J’aimerai terminer cette critique en reprenant les mots du Dr.Kelsen et en rajoutant les miens : “Memento mori, memento amoris, memento te occidi” (souviens toi que tu as tué, je n’ai pas pris latin alors j’espère que c’est correct...)

Pasteq2Kombat
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le 31 juil. 2025

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