Tarantino a déclaré il y a quelques années, en parlant des films Western et donc forcément de Sergio Leone, que d'après lui, on ne peut se prétendre réalisateur de Western qu'une fois qu'on en a réalisé trois.
Voilà pourquoi après son Spaghetti Django Unchained et son ricain The Hateful Eight, je croyais fortement à un nouveau film de Cow-Boy poussiéreux en guise de neuvième film, avant de dire adios à sa filmographie de cinéaste avec une dixième œuvre différente.
Rien n'en fut, car bien qu'il côtoie, et c'est peu dire, le style par bien des aspects, cet avant dernier chef d’œuvre n'est autre que son film le plus total, le plus passionné, le plus TARANTINO de tous.
Ce neuvième film, c'est Once Upon a Time... in Hollywood.
Alors qu'Inglourious Basterds commençait par un chapitre nommé : "Once upon a time in a Nazi-occupied France", Tarantino s'offre enfin le cadeau de placer ce titre aussi magique que mythique du cinéma de Sergio Leone en tête d'affiche,


Pour rester dans l'idée du film, je ne chapitrerais pas ma critique, enfin "critique"... Mon avis plutôt. Aussi personnel, démesuré et passionné soit-il.
Le chapitrage qui n'a évidemment pas sa place dans cette œuvre tout comme elle ne l'avait pas dans Death Proof ou Django, voire même Jackie Brown.
L'amoureux du découpage qu'est Quentin ne s'embête pas d'une trame quelconque, il se laisse principalement porter la vie, la vie de ses personnages. Car comme nous le savons tous, la vie n'est qu'un long fleuve, pas forcément tranquille mais qui se suit sans interruption.
Puis si la place n'est pas au chapitrage, le montage s'occupe du reste, étant certainement le plus dingue de sa carrière tant il regorge de détails et s'éloigne constamment de la faute de gout. Bien des passages inattendus m'ont régalé tant ils apportent de leur présence. Le passé particulier du personne de Cliff Booth concernant sa femme m'a bien fait marrer.
Un montage, qui pour avoir revu il y a peu Inglourious Basterds, pour la première fois au cinéma d'ailleurs, s'en trouve relié. Ce dû aux nombreuses scènes courtes ou flashback venant se glisser au milieu d'une scène. La plus flagrante, l'incruste dans La Grande Évasion, rajoutée depuis la version Cannoise, tout comme quelques autres petites choses dont une pub pour la marque fictive de cigarette Red Apple, spot désopilant durant le générique de fin.
La deuxième évidence de montage n'est autre que celle de Jackie Brown et son principe de préciser les jours ou heures via un carton en bas d'écran. Pour rester rapidement sur le troisième film du monsieur, le carrelage mural d'intro du film se retrouve en clin d’œil dans ce nouveau film. Comme bien d'autres détails, notamment la séquence du film avec les Nazis et la fameuse réplique concernant la choucroute qui fait forcément référence au film de guerre qu'il a délivré en 2009.
Je suis sûr d'avoir raté d'autres détails du genre, même si je crois en avoir décelé un concernant Death Proof à travers une blague visant le personnage de Kurt Russell, en disant qu'il pourrait foncer dans quelqu'un avec une Lincoln... Enfin bref.
La richesse du métrage est à disséquée sur plusieurs visionnages, espérant y trouver des choses à chacun d'eux.


Les détails qui font la différence, le jusqu'au boutisme de Tarantino, allant jusqu'à placer des magazines d'époque dans les vitrines qu'on ne voit que furtivement une fois lancé en voiture en compagnie de Rick et Cliff dans les rues du vieux L.A.
Ajoutant une boucle bien précise à la ceinture de Cliff, se souciant du moindre détail, une maîtrise si forte, si perceptible, c'est beau. Les décors à tomber peuvent en témoigner. J'espère d’ailleurs de tout cœur un Making Of ou un truc du genre à venir car les photos des différents sets sont tout simplement hallucinantes.
Le perfectionnisme ultime du cinéaste me bluffera sans aucun doute jusqu'à la dernière image qu'il livrera. A chacun de ses films s’inspirant de styles ou d'époques particulières, je me dit bêtement : "c'est ça ! C'est juste ça !". La justesse d'une typo, l'emplacement de cette dernière, ou simplement de la caméra, le mouvement, le bruit de péloche exprès, le grain, les peluches, les cuts et j'en passe, c'est ça !
Quentin Tarantino est le seul cinéaste ayant existé qui me donne cette satisfaction, ce sentiment de perfectionnisme réussi et absolu. En sont la preuve ultime dans cette œuvre somme, les extraits des films de Rick Dalton, tous des faux films que le cinéaste a concocté dans la plus pure des justesse. Entre les différents ratios d'image, le grain plus ou moins prononcé, rendant limite l'image floue comme dans une mauvaise production de l'époque, mais c'est ça !
Le tout étant toujours traité avec respect et sans jamais de moquerie, un immense amour et ressenti même dans les images du fameux Operazione Dyn-o-mite où la course poursuite est bidon, où le montage est moyen tout comme la réalisation. Mais c'est bien parce qu'il y a eu ce genre de film qu'il le fait, d'ailleurs certaines images sont réellement tirées d'un film de Sergio Corbucci. C'est de l'hommage et en aucun cas du foutage de gueule, c'est ça qui est merveilleux.
Là encore, la justesse de faire de mauvaises images comme dans n'importe quelle faible production des années 70 est folle.
Tout comme l'est la prestation de Leonardo DiCaprio dans la peau d'un acteur en dent de scie, pouvant être aussi ridicule qu'épatant.


Comme un Tarantino ne vient jamais sans un casting mille étoiles, ce dernier bijou peut se venter d'en avoir un phénoménal. Dont beaucoup de petits rôles mais qui, interprétés par des grands noms, font la différence.
Citons donc Bruce Dern, qui reprend le rôle que Burt Reynolds n'a pu incarner à cause de son décès, quelle idée de mourir avant de jouer pour Tarantino Franchement ?! Reynolds qui devait être incarné par James Marsden avant d'être coupé au montage. Tim Roth fait également partie des coupes.
Bruce Dern, qui tout comme Damian Lewis, incarnant Steve McQueen, Margaret Qualley, Emile Hirsch, Dakota Fanning, Luke Perry, Austin Butler, Timothy Olyphant, Rumer Willis (fille de Bruce), Maya Hawke (fille d'Ethan et Uma Thurman) ou encore Mike Moh en hilarant Bruce Lee, incarnent tous des personnes ayant réellement existé. Rafal Zawierucha s'occupe lui d'incarner le cinéaste Roman Polanski quand Damon Herriman fait un furtif mais efficace Charles Manson.
Les géniaux et habitués Kurt Russell, Zoë Bell ou encore Michael Madsen sont aussi de la partie. Au même titre que l'excellent Scoot McNairy ou l’excentrique Lorenza Izzo. Cette dernière étant l'ex d'Eli Roth, bon ami de Quentin, qui d'ailleurs connecte son ami à ce film par un biais amusant. Dans le film, Rick Dalton aurait joué dans un film italien réalisé par Antonio Margheriti, ce qui est le nom qu'emprunte le personnage d'Eli Roth dans Inglourious Basterds à la première, quand il se présente au colonel Landa. Encore un clin d’œil donc.
Quentin pourra également être fier d'avoir, dans sa carrière, dirigé les monstres sacrés et légendaires que sont Robert De Niro et désormais Al Pacino. Ce dernier étant aussi classe que drôle.
Le plus gros du casting reste donc à venir, le trio gagnant, la star, Sharon Tate, ex-femme de Roman Polanski assassinée par la famille Manson en 69. Ici reprenant vie sous les traits juvéniles d'une charmante et rayonnante Margot Robbie.
Diamant du film se plaçant au milieu du duo impeccable, DiCaprio / Pitt. S'ils sont chacun habitués à partager un plateau aux cotés du Quentin, ils n'avaient encore jamais partagés l'affiche d'un film ensemble. Un comble pour ceux qui ont commencé leur carrière en même temps.
Autant dire que la perfection est de mise, entre un Leonardo DiCaprio possiblement à son meilleur, jouant des facettes inédites de son acting en incarnant un acteur has-been bipolaire et un Brad Pitt solaire à la main dure, c'est du tout bon.
Aussi bluffant l'un que l'autre, aussi drôle l'un que l'autre, représentants à eux deux les oubliés d'une époque, ceux qui ont raté le coche, les dépassés, tout en étant aussi touchants qu'attachants.
Léo, passant de l'humiliant à l'émouvant, Brad, du mystérieux au jouissif, c'est juste du kiff en barre. Étonné et emporté sans mal par leur très grande prestation.


Que serait un Tarantino sans quelques pieds féminin à son casting ? Le fétichiste en glisse plus que jamais tout en n'oubliant pas de les salir, histoire d'appuyer encore plus sur le sentiment d'une époque bien marquée. Surtout pour lui qui a vécu cette année là du haut de ses six ans.


Malgré tous ses penchants qui font de son cinéma ce qu'il est, il trouve tout de même le moyen de réaliser son plus grand film. Peut être pas mon préféré, mais son plus fort, riche et personnel. Là où Kill Bill du haut de ses quatre heures était son plus complet, avec ses 2h42, Once Upon a Time... in Hollywood en devient sa plus belle signature.
Une œuvre lente, bavarde, se laissant porter par la route et la ziq de la radio, proposant son lot de situations terriblement drôles tout comme une mélancolie permanente. Sans omettre sa folie sanglante à travers une scène sur la haute sphère des moments jouissifs du cinéma. Un monument de bonheur total suivi d'une scène finale pleine d'espoir. Un final vraiment magnifique, se rapprochant d'ailleurs de la beauté de celui de Jackie Brown.
Jouer autant avec les styles, la comédie, le drame, l'horreur même, implanter un sentiment méta ultime et faire vivre aussi incroyablement des personnages fictifs entourés d'une pléiade de noms réels, c'est... de l'art cinématographique rare.


Tarantino fait donc appel à tout son savoir et surtout tout son cinéma, convoquant dans les moindres détails ses œuvres sous sa caméra virtuose. Entre longs plans et énormément de cadre fixe, Quentin ne perd pas ses habitudes.
Cette maîtrise du cadre, plus Westernien que certains véritables Western, la scène du ranch bordel ! Le final bloody au face à face digne d'un grand duel ! Le tout capté par cette pellicule tremblotante délivrant ce léger grain délicieux, à la colorimétrie aussi typée que captivante. Robert Richardson à la photo, le talentueux bras droit de Quentin depuis Kill Bill. Photo dont j'admire particulièrement le bleu nuit à l'ancienne, remplaçant les noirs profonds.
Manque plus que la ziq puisque la technique est parfaite, le son également ! Très important et fourmillant de détails.
La musique chez Tarantino, c'est comme l'essence dans une voiture, il en faut forcément. Ici, à l'instar d'un Pulp Fiction, je la trouve plus saisissante quand elle est accompagnée d'images, écouter la BO hors film n'est pas aussi réjouissant que quand est elle malignement et intelligemment posée sur une séquence. Les morceaux en deviennent bien plus forts.
Amusant d'ailleurs l'anecdote délivrée par le cinéaste en personne, qui après trois films d'époques plus ou moins éloignés, avait la pulsion de simplement suivre un gars cool dans une voiture, changeant de station radio et tombant sur du rock'n roll. C'est donc chose faite.


Avant de tirer sa révérence avec un dixième film en guise d'épilogue à sa filmographie, Quentin Tarantino aura su explorer bien des domaines et ce toujours avec un talent hors norme.
Que ça soit le film de braquage sans braquage, le film de gangster bavard, le film policier en mode blaxploitation, le film d'art martiaux / samouraï, le thriller d'action Grindhousien, le film de guerre, le western spaghetti, le western américain et maintenant le film intimiste aux allures de comédie grotesque, Tarantino pourra se targuer d'une carrière parfaite.


Plus qu'à attendre comme un fou d'amour son dixième et dernier film. Film de SF, d'épouvante, ou autre ? On ne sait pas encore, mais ce que je sais déjà, c'est qu'il me manquera terriblement après celui-ci.

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le 14 août 2019

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