Que l’acteur ne peut être en phase avec la réalité

Juliette Binoche, alors débutante et prompte à livrer une performance borderline sans trop de recul, ne pouvait qu’apporter déjà une grande présence au film d’André Téchiné.Elle y est parvenue et saluons déjà cette prouesse sur ce Rendez-vous au cinéma quasi expérimental qu’on reçoit comme une gifle.Nina, emblématique de la jeune provinciale venue courir le casting, est aussi une jeune femme perdue dans la capitale confrontant ses rêves de midinette à une réalité déjà peu glorieuse des années 80. La prédation masculine, les amourettes sans issue et le manque de repères fiables sont déjà bien là. Juliette Binoche incarne cela dans sa spontanéité mais aussi dans son inconscience qu’André Téchiné met au service de cette histoire azimutée mais grave. Le sujet de l’histoire, beaucoup plus obscure, serait l’évolution intérieure de Nina déchirée entre les gens du métier d’acteur ( représentés par les personnages de Lambert Wilson et Jean-Louis Trintignant) et les gens dits ordinaires ( Paulo, le jeune agent immobilier, sa patronne entre autres). Les tickets d’entrée aux représentations constituant des sésames entre l’ordinaire et l’imaginaire. Téchiné s’amuse de cette dichotomie tout en affirmant que l’acteur ne peut-être bien évidemment pas en phase avec une réalité limitante et beaucoup trop terre à terre ( loyer à payer trop cher conduisant à la collocation ici, ou encore cette responsable engueulant son employé car il s’est trompé de nom sur un contrat de location). Ce qui déstabilise, c’est cette quête de réponses claires de Nina par rapport à son jeu. Ses interrogations bien que légitimes plombent le rythme et l’énergie du film. Cela prouve quelque part qu’André Téchiné à cette époque de sa filmographie, tendait vers une intellectualisation de son art et amenant donc à un manque de lisibilité par moments ( nous retrouvons cela chez Rohmer et Godard notamment). Au final, Rendez-vous malgré des acteurs investis et une intrigue foisonnante pédale donc dans la semoule. Des moments de clarté stimulants auraient sans doute changé le ressenti global. Tant pis mais merci pour le voyage quand même.

Specliseur
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le 24 juil. 2019

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