SensCritique a changé. On vous dit tout ici.

Thriller prestigieux où une partie d'échecs sous la mer est jouée avec du billard à trois bandes.

Quand on revoit A la Poursuite d'Octobre Rouge, on ressent à quel point la partie d'échecs à distance est une composante majeure de ce qui peut nous subjuguer dans un film de sous-marins. Le raisonnement déductif et la tromperie de l'autre sont les moteurs de l'action et du suspense. Les autres composantes sont des agréments plus ou moins réalistes, plus ou moins esthétiques, plus ou moins développés, et l'ensemble donnera son cachet singulier à chacun de ces films.

Le chef d'oeuvre de la partie d'échecs grandeur nature (entre un sous-marin et un destroyer) reste pour moi Torpilles sous l'Atlantique - The Enemy Below inspiré d'ailleurs de vrais coups maritimes rapportés par un Commander de la Navy anglaise dans son livre éponyme The Enemy Below (Denis A. Rayner).

Mais ici la partie d'échecs se double d'une partie de billards à plusieurs bandes. Le chef des sous mariniers russe (joué par Sean Connery) commence un jeu destiné à tromper non un marin américain homologue mais sa propre hiérarchie politique (le Kremlin). Il mise sur la compréhension de son double jeu par la hiérarchie américaine, donc sur l'intelligence de l'adversaire théorique, qu'il veut rejoindre amicalement malgré toutes les apparences de sa perte de contrôle, celle d'un sous marinier devenu fou et dangereux pour tout le monde.

Alors se déploient d'autres parties d'échecs secondaires : le jeune analyste de la CIA (joué par Alex Baldwin), qui a la bonne intuition, doit convaincre l'organigramme du renseignement et de la Défense, puis celui des officiers de la Navy américaine en patrouille, tandis que le ministre yankee et l'ambassadeur soviétique se servent réciproquement des salades avec des sourires de crocodile et d'humbles suggestions camouflant des chausses-trappes redoutables.

C'est le cachet particulier de A la Poursuite de Octobre Rouge, qui nous tient en haleine, tandis que "les lancers de torpilles" des uns et "les contre-mesures" des autres, classiques, nous semblent  moins brillantes tant dans la mise en scène que dans le suspense, si on les compare à d'autres films. Mais à mon avis, McTiernan s'y interesse moins qu'à cette arborescence de tromperies, d'explications retorses et d'argumentaires pour forcer les convictions, dans les deux sens (le vrai et le faux).

Cet exercice étincelant est servi par un casting trois étoiles, qu'on aime beaucoup revoir, de surcroit tout un groupe, composé alors de stars confirmées et de jeunes prometteurs.

J'ai une affection particulière pour Richard Jordan, acteur disparu trop tôt, qui pouvait tout jouer. Ici, il est un policiticien habile du genre qui, dit-il, "s'il n'est pas en train d'embrasser des bébés, c'est qu'il leur vole leurs sucettes", et qui soutient la lecture atypique du jeune analyste malgré le scepticisme des hauts gradés, puis qui sert des boniments en souriant à son correspondant sovietique lequel lui rend la pareille.

Habituellement, les acteurs qui jouent ces rôle de politiciens ont tous la même tête et ne se renouvellent guère. Lui jouait dans le Yakuza de Sidney Pollack un jeune pistolero tout fou et hors de contrôle qui devenait sage au prix de sa vie en tombant amoureux de la fille du sabreur joué par le grand Ken Takakura. 

C'est le premier Tom Clancy transposé au cinéma, un coup de maître.

Michael-Faure
8
Écrit par

Créée

il y a 5 jours

Critique lue 14 fois

Michael-Faure

Écrit par

Critique lue 14 fois

8
1

D'autres avis sur À la poursuite d'Octobre rouge

À la poursuite d'Octobre rouge

À la poursuite d'Octobre rouge

le 14 avr. 2014

Des fantômes sous les mers

Il parait que l'histoire serait inspirée d'un fait réel... Il parait que les russes auraient mis au point une propulsion silencieuse sous voûte... Il parait que les américains auraient volé un SNLE...

À la poursuite d'Octobre rouge

À la poursuite d'Octobre rouge

le 16 avr. 2020

Un homme voit rouge

Depuis le déparquement de la baie des cochons, les tensions soviéto-américaines sont très fortes. Les deux factions usent mutuellement d’un manque de confiance et se méfient l’un de l’autre. Lors de...

À la poursuite d'Octobre rouge

À la poursuite d'Octobre rouge

le 5 janv. 2017

La nostalgie de la guerre froide

Le réalisateur de Predator et Piège de cristal organise ce formidable bras de fer entre les USA et l'URSS avec son brio habituel. Adapté d'un best-seller de Tom Clancy, spécialiste du roman...

Du même critique

Mort ou vif

Mort ou vif

le 13 sept. 2025

Hommage et pastiche réussis du duel en face a face d'innombrables westerns

C'est contre-intuitif mais dans les westerns, le dernier duel d'un film est souvent original, composite ou multiple, voire bizarre. Les fins de western sont rarement les stéréotypes du duel en face à...

Comanche Station

Comanche Station

le 10 août 2025

Dernier western du grand Budd avec Randolph Scott, un sommet tragique pour la serie et l'acteur

Pour le dernier de la série de Boetticher avec Scott, Comanche Station garde une ambiance tragique de bout en bout tandis que Scott incarne son personnage avec une hauteur, une dignité et une...

Milan calibre 9

Milan calibre 9

le 24 juil. 2025

Cinq thrillers d'un maître du cinema bis qui inspira Tarantino

Milan Calibre 9 est le plus connu dans l'oeuvre de Fernando Di Leo, considérée jusqu'ici comme du cinema bis. Elle fait partie de l'inspiration de Quentin Tarantino, aussi certains films sont devenus...