La partie est terminée, les joueurs changent

En 2018, sortait « infinity war », 1er volet qui allait conclure le MCU tel que nous le connaissons, commencé 10 ans plus tôt, en rassemblant les différents héros éparpillés dans tout l’univers pour affronter une menace majeure. Volet qui fut très bien accueilli, pour sa maîtrise du nombre élevé de personnages, ses actions réparties en différents lieux, et surtout son ton dramatique et épique là ou Marvel péchait souvent par un excès d’humour. « IW » se terminait par une scène forte montrant la victoire sans appel du grand ennemi.
Après un intermède « ant man 2 » plus léger et un peu mal placé, et « captain marvel » qui allait apporter un nouveau héros, la suite « endgame » allait terminer définitivement l’histoire des gemmes d’infinité. La charge était d’autant plus lourde de conclure 11 ans et 22 films, et de continuer dans le même niveau de son prédécesseur. D’où une durée exceptionnellement longue pour un film de ce genre (3h), et une attente portée à son paroxysme.
Disons le tout de suite, « endgame » n’atteint pas « infinity war », en raison d’un certain nombre défauts, mais achève de manière éclatante ce qui est quand même la plus grande fresque jamais racontée dans l’histoire du cinéma !


Commençons par décortiquer les aspérités du corps cinématographique répertorié sous le nom de "endgame", avant de poser notre regard sur les super étendues qui s’étirent devant notre regard critique.
Manié avec équilibre dans "Infinity War", l’humour bon public refait un retour un peu dommageable dans ce dernier volet. Souvent efficaces certes (les répliques de Star, Rocket, ou un ant man un peu perdu croisant successivement un homme-machine, une alien à la peau bleue, un raton laveur qui parle et un monstre vert, nous rappelant que l’univers Marvel déploie un bien curieux monde), il est parfois trop appuyé, et contraste un peu trop avec les enjeux dramatiques, avec un résultat parfois étrange, ou une scène montrant un héros massacrant des criminels par vengeance désespérée succède une autre où un Hulk devenu apaisé fait un dab avec des enfants… Sans être vraiment lourd, on en oublierait facilement que les enjeux représentent quand même la survie de l’humanité…
Le film choisit ouvertement de ne pas verser dans la crédibilité. Non que l’univers Marvel était réaliste jusque-là, mais force est de reconnaître que certains événements se produisent beaucoup trop facilement, comme le retour de Ant man « par hasard » du monde quantique, et surtout la conception en deux temps trois mouvements d’une technologie pour voyager dans le temps… Il s’agit là surtout de facilités scénaristiques un peu abusives qui auraient pu être évitées.
La théorie choisie du voyage temporel semble bien être celle du « whatever happened happen » de Lost ou de l’armée des 12 singes, où il n’est pas possible de modifier le passé. L’énoncé de cette théorie dans le film est toutefois assez brouillon pour un concept qui peut déjà s’avérer de base compliqué… En outre, un événement à la fin, si la scène est forte, semble contredire cette théorie choisie, et ce ne sont pas les explications contradictoires entre les frères Russo et les scénaristes qui permettront d’y voir clairs.
Dans « Infinity War », Thanos avait été particulièrement bien reçu, à la fois puissant et dangereux, mais aussi ambigu et charismatique, propre à susciter de la compassion par la justification de ses actes et ce qu’ils lui en coûtent, tout en étant perdu pour toute rédemption. Dans « Endgame », la vision de la version de Thanos qui est présentée se rapproche hélas un peu trop de celle d’un méchant classique, où la justification de sauver l’univers semble plutôt une excuse pour servir sa mégalomanie, un changement de caractère que le scénario n’explique que imparfaitement.
La bataille finale semble être calibrée pour que chacun y trouve son moment de gloire, et avec un côté parfois un peu artificiel. Citons notamment le passage où toutes les héroïnes en viennent à se retrouver… Un moment girl power certes bien sympa, mais qui apparaît forcé.
Introduite comme une héroïne salvatrice, à la puissance inégalée, « Captain marvel » n’a finalement qu’un rôle limité et un temps de présence bien faible, ne lui permettant pas de vraies interactions avec les autres personnages, ni de développer d’avantage son personnage qui pêchait déjà d’être un peu trop lisse. De quoi s’interroger sur la pertinence de son introduction tardive…


Précisons quand même que contrairement à ce que j’ai pu lire, elle n’a pas sauvé Stark en le rencontrant par hasard ans l’espace, mais en étant envoyé par les avengers restés sur Terre qui avait reçu son signal de détresse… Inutile de rajouter d’autres facilités !


Maintenant que le plus désagréable est fait, passons maintenant au positif.
La structure de « endgame » est différente de « infinity war »: le film se concentre sur les héros originels, tandis que les nouveaux sont en retraits. Certains personnages secondaires passent au premier plan (Nébula), ceux absents du volet précédent jouent un rôle notable (Ant man et Hawkeye). C’est véritablement tous les personnages déjà aperçus qui apparaissent à l’écran !
L’action n’est plus éparpillée dans l’espace (plutôt dans le temps, pourrait-on dire). Il ne s’agit plus d’un grand rassemblement de héros dispersés que d’une quête de la dernière chance parmi les héros survivants pour défaire une menace incommensurablement puissante.
Le scénario permet habilement de rendre hommage à tout ce qui a été fait avant, en revisitant plusieurs films, en créant des liens entre eux, renforçant ainsi la cohésion de l’ensemble.


Les agents doubles de l’Hydra présent après l’invasion alien, L’Ancien combattant de son côté, Pym et ses particules présents à la même base que le père de Stark….


Il offre aussi aux personnages des scènes émouvantes.


Thor avec sa défunte mère, lui insufflant la force perdue. Stark et son père. Clint et Nath, les deux agents au passé trouble, se disputant tragiquement le rôle du sacrifice. Nebula confrontée symboliquement à la partie d’elle-même qui cherchait vainement la reconnaissance d’un père cruel.


Des héros traumatisés et méconnaissable : Thor désœuvré après les morts successifs des membres de sa famille, la perte de son monde, et un échec cuisant. Après un passage de folie impulsif où on le voit avec stupéfaction décapiter un ennemi désarmé, il se laisse aller dans un désespoir apathique. Le Dieu du Tonnerre, privé de marteau comme de courage, n’est plus que l’ombre de lui-même et ne fait plus d’étincelles. Hawkeye, rendu fou par la perte subite de sa famille, trouve un exutoire en éliminant des criminels sans plus aucune morale. Stark, qui a beaucoup perdu et enduré, renonce définitivement à jouer le rôle de héros auquel il avait pourtant consacré toute son énergie, mais qui lui a trop coûté. Sans parler de Rocket qui a perdu la seule famille qu’il n’a jamais eue.
Au sein d’une humanité encore sous le choc, rendu folle par la tristesse et une perte inconcevable, des mémoriaux emplissent le paysage avec inscrits les trop nombreux disparus, tentant vainement de permettre à ceux qui restent d’aller de l’avant dans un monde devenu bien sombre. Un monde que découvre horrifié Scott Lang, en même temps que le spectateur qui observe là les conséquences horribles du snap de Thanos.
En retrait dans « Infinity War », Steve Rogers, le porte drapeau étoilé, le défenseur inébranlable des valeurs de l’Amérique, est le seul qui semble parvenir à avancer. Il anime des cessions d’aide aux survivants (où l’un des frères Russo joue le 1er personnage gay en racontant la perte de son compagnon), et apporte un soutien où la pourtant coriace Nathalia Romanoff apparaît sur le point de vaciller face aux écrasantes responsabilités qui incombent aux survivants qui tentent de reconstruire un monde ravagé de l’intérieur comme de l’extérieur.
Un développement psychologique que certains trouveront quand même trop long, reprochant au film de rassembler tout l’action dans sa dernière partie.


"Infinity War" avait son combat épique au Wakanda, "Endgame" possède elle aussi sa bataille d’anthologie jouissive et dantesque.


Une scène, absolument sublime, pure fantasme d’amateurs de super-héros ou de science-fiction, où les différents héros et différentes armées arrivent les uns après les autres dans des portails magiques ouverts par Strange.


La bataille finale permettra à chacun, y compris ceux qui n’ont pas pu être au premier plan dans ce dernier film, d’avoir son moment de bravoure (comme une Sorcière Rouge énervée, puissance incarnée déterminée à en découvre). Le moment le plus fort étant sans doute le fameux «avengers assemble », cher aux comics, lancé par un Captain america, soldat hors du temps devenu un véritable meneur d’hommes (et qui parvient à la surprise générale à s’emparer de Mjolnir, avec des combos très réjouissants). Un cri de rassemblement symbolique et puissant avant une déferlante d’actions visuellement accrocheuse. Des scènes d’action que d’aucun trouveront malgré tout brouillons (avis que je ne partage pas du tout, vu que de mon point de vue j’arrive aisément à comprendre ce qu’il se passe à l’écran…).
Une bataille qui se termina par un sacrifice poignant.


Celui a déjà donné de son corps et de son âme, délaissant le repos du guerrier auquel il aspirait pour jouer une dernière fois le rôle du sauveur, payant le prix fort


Et un adieu émouvant et symbolique.


Celui arraché de son époque, pour devenir un symbole dans une époque qui n’est pas la sienne.


Réunissant ce qui se fait de mieux dans la franchise (un univers partagé cohérent, des personnages attachants), comme des défauts récurrents (humour appuyé, facilités, développement de personnages inégal), « avengers endgame » est un film sans équivalent. Capitalisant une décennie derrière lui et deux dizaines d’autres long-métrages, il aura suscité une hype quasiment inégalé. Selon les préférences ou les attentes de chacun, il saura combler ou décevoir. Mais s’il n’aura ainsi pas fait l’unanimité chez les fans, et les détracteurs pouvant toujours dire que le film bénéficie aisément des (trop) nombreux volets avant lui pour atteindre son climax et son impact émotionnel, il aura définitivement marqué son époque.

Enlak
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le 16 juil. 2019

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