Avec Blue Caprice, Alexandre Moors signe une mise en scène d’une sobriété déroutante, où chaque plan semble pesé, millimétré, au service d’un récit lentement asphyxiant. Loin du sensationnalisme auquel un tel sujet aurait pu donner lieu, le réalisateur choisit l’épure : des cadres fixes, une photographie froide, une narration fragmentée – autant d’éléments qui traduisent la montée insidieuse de la violence.
Ce dépouillement visuel et sonore n’est jamais gratuit. Il reflète le vide intérieur des personnages et la banalité du mal qui s’installe. La caméra, discrète, épouse le quotidien sans emphase, donnant à voir une mécanique de l’endoctrinement aussi glaçante que silencieuse. Moors privilégie l’ellipse, suggère plus qu’il ne montre, et c’est précisément ce refus du spectaculaire qui m’a convaincu : il crée une tension latente, presque invisible, mais profondément troublante.
La mise en scène devient alors un langage à part entière, traduisant l’emprise progressive de Muhammad sur Malvo, sans effets appuyés. Une atmosphère morne, désaturée, qui colle au film comme une seconde peau, et qui laisse le spectateur avec un malaise persistant. C’est cette retenue formelle, maîtrisée de bout en bout, qui m’a poussé à lui accorder un 8/10.