Dans Casa de mi Padre (2012), Matt Piedmont s’attaque à un exercice de style aussi surprenant que risqué : pasticher les telenovelas mexicaines dans un espagnol théâtral, avec Will Ferrell en cow-boy naïf plongé dans un monde d’exagération narrative et visuelle. L’idée est audacieuse, et le casting prometteur. Pourtant, malgré quelques fulgurances, le jeu des acteurs peine à donner au film la densité ou l’efficacité comique qu’il espérait atteindre.
Le principal atout du film, sans surprise, réside dans l’engagement total de Will Ferrell. Fidèle à son habitude, il se jette dans son rôle avec un sérieux décalé qui force le respect. Son personnage, Armando Alvarez, est une caricature d’innocence rustique et de virilité tragique. Ferrell joue sur les codes du héros mélodramatique avec un flegme burlesque, jamais dans la retenue, toujours dans l’excès assumé. Sa diction appliquée, son regard vide de sens mais plein d’intention, et sa posture rigide donnent parfois lieu à des moments réellement drôles… mais trop souvent isolés dans un désert comique.
Autour de lui, les performances sont inégales. Diego Luna et Gael García Bernal, tous deux acteurs reconnus et capables de subtilité, semblent ici davantage réduits à des marionnettes de clichés. Si l’on peut saluer leur capacité à s’abandonner au second degré, leurs personnages manquent cruellement de matière et tombent rapidement dans une forme de cabotinage. Ils surjouent, certes volontairement, mais l'exercice semble tourner en rond. Leur présence aurait pu apporter une richesse supplémentaire, un contrepoint à l’absurdité ambiante. Au lieu de cela, ils se fondent dans le décor d’une parodie sans profondeur.
Quant à Génesis Rodríguez, elle incarne la figure féminine classique de la telenovela — belle, tragique, sacrifiée — mais son interprétation oscille entre sérieux et caricature, sans jamais vraiment trouver un ton juste. Là où l’on aurait pu attendre un clin d’œil complice ou une performance satirique plus affirmée, on obtient un personnage un peu transparent, qui n’apporte ni contraste ni énergie nouvelle à l’ensemble.
Le problème central, selon moi, réside dans le fait que le jeu d’acteur, pourtant visiblement dirigé vers la parodie, ne trouve jamais l’équilibre entre hommage et moquerie. On sent que chacun est dans une posture, dans une volonté de "jouer faux pour faire rire", mais le résultat finit par manquer de naturel… même dans l’artificiel. Ce paradoxe rend le visionnage souvent laborieux : on comprend ce que le film cherche à faire, on voit les efforts des acteurs pour porter ce ton décalé, mais la mayonnaise ne prend pas.
Le film ne manque pas d’idées, ni même de bonnes volontés du côté des comédiens. Mais l’ensemble ressemble davantage à un exercice de style théâtral, parfois amusant, souvent répétitif, et trop rarement convaincant. L’énergie des acteurs est bien là, mais elle se dilue dans un scénario bancal, une mise en scène plate et un humour qui s’essouffle vite.
En sortant du visionnage, mon impression reste partagée : j’ai apprécié l’engagement des comédiens, notamment celui de Will Ferrell, mais je n’ai pas ri autant que le film le promettait. D’où ma note de 4.5/10 — une reconnaissance de l’intention et de la performance, mais aussi une déception devant le résultat final.