Après avoir longtemps tourné autour du genre, pour ne pas dire du pot, Tarantino livre enfin son western. On sait depuis longtemps qu'en tant que cinéphile, c'est, de loin, son genre préféré. De la crasse assumée des westerns spaghettis (le générique d'introduction tout dirty, j'adore) à la classe des opéras sauvages de Leone, on parcourt tout le spectre cinématographique du gun et de la poussière sans que le maniérisme des clins d'oeil ne sorte le spectateur du film, mieux fondu qu'à l'accoutumée car glissé dans une vraie histoire, écrite, qui a forcément de gros échos de Corbucci : Django (1966) bien sûr, avec la scène très drôle du "I know" de Franco Nero mais également Il Grande Silenzio avec l'introduction de la population noire américaine dans l’Amérique profonde et son froid inhospitalier.

Habitué à manipuler les sous-genres du cinéma, Tarantino semble désormais vouloir transposer cette volonté de réhabilitation aux grandes victimes de l'Histoire : les juifs dans Inglorious Basterds, les esclaves dans Django Unchained. Analogie un peu étrange qui fonctionne tout de même car mise en scène avec assez de second degré — Tarantino ne va pas jusqu'à dire que le western spaghetti est le juif du cinéma, m'enfin. La première heure semble une seule et même fulgurance qu'on aurait voulu ne jamais voir finir mais qui s'essouffle là où elle devrait justement atteindre son point culminant. Je ne sais pas si c'est dû à la prestation un peu pénible de Di Caprio qui souffre de la comparaison avec un Christophe Waltz encore meilleur que dans IB, mais j'ai trouvé la (trop) longue partie à Candyland moins réussie que le reste et, du même coup, le traditionnel climax tarantinesque, la boucherie de fin, n'est pas le grand moment jouissif attendu comme elle n'est pas la conclusion à proprement parler (et sur ce point c'est, tout compte fait, tant mieux).

Ceci étant dit, cela fait longtemps (Kill Bill 2, peut-être même Pulp Fiction) que je n'avais pas pris autant de plaisir devant un film de Tarantino qui semble avoir enfin (re)trouvé l'équilibre idéal entre le pêle-mêle pop-référencé et le vrai film écrit pour en être un, plus seulement pour en évoquer d'autres.
Heisenberg
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le 17 janv. 2013

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Heisenberg

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