Évanouis, réalisé par Zach Cregger, s’ouvre sur un événement brutal : à 2h17 du matin, tous les élèves d’une classe disparaissent mystérieusement dans une petite ville américaine. L’enquête piétine et la communauté sombre dans la panique. Le film nous dévoile le dénouement un an après, à travers une construction en chapitres.
On découvre progressivement que Alex, le seul rescapé, est en réalité prisonnier de Gladys, une vieille femme malade qui se révèle être une sorcière. Rongée par la maladie et le temps, elle a recours à des pratiques occultes pour prolonger son existence. Elle enferme les enfants dans son sous-sol et se nourrit de leur énergie vitale à travers des rituels inquiétants, faits de murmures, de symboles tracés sur les murs et de potions préparées à partir d’éléments organiques.
Gladys possède un pouvoir redoutable : elle peut plier les esprits à sa volonté. Par de simples injonctions ou un regard prolongé, elle impose des ordres que les adultes n’ont d’autre choix que d’exécuter. C’est ainsi qu’elle garde les parents d’Alex sous sa coupe, les utilisant comme armes psychologiques pour contraindre l’enfant à obéir. Sa domination ne repose pas seulement sur la peur, mais aussi sur un subtil mélange d’hypnose, de malédictions et d’une emprise quasi-religieuse, qui donne à son personnage une aura de prêtresse noire.
Le récit s’articule autour de plusieurs personnages clés :
-Justine, l’institutrice alcoolique, d’abord suspectée, mais qui devient centrale dans la quête de vérité.
-Raymond Davis, le père obsédé par la disparition, dont la détermination relance l’enquête.
-Edward Meckler, le proviseur, soucieux de sauver les apparences et de protéger l’institution.
-Paul Morgan, policier et ancien amant de Justine, dont le rôle révèle les failles de l’institutrice et l’impuissance des forces de l’ordre, et enfin, Alex, l’enfant victime, pivot du récit.
Le montage, découpé en chapitres qui s’ouvrent chacun sur le prénom d’un personnage, est l’une des grandes réussites du film. Ce dispositif donne une respiration au récit, installe différents points de vue et permet au spectateur de recomposer progressivement le puzzle de l’histoire. La narration chorale évite la linéarité et joue avec la subjectivité de chaque protagoniste, renforçant la tension dramatique.
C’est grâce à l’obstination de Raymond et de Justine que l’on découvre où se cachent les enfants. Alex parvient à inverser la situation : utilisant à son tour le pouvoir de contrôle, il pousse les enfants libérés à pourchasser et tuer Gladys.
La force du film tient dans cette construction fragmentée, mais aussi dans le magnétisme de sa sorcière. Figure charismatique et terrifiante, Gladys convoque tout un folklore américain sombre, nourri de l’histoire de Salem et de la persistance des peurs collectives liées aux femmes âgées, isolées et marginales. Sa présence s’inscrit dans une longue tradition culturelle où la sorcière incarne à la fois l’altérité radicale et l’angoisse d’une communauté face à ce qui échappe à son contrôle.