Dans la constellation des évocations de Little Big Horn, celle-ci est peut-être la plus consternante.
La trame serait acceptable : un officier découvrant Custer et ses hommes morts sur le champ de bataille va à Deadwood récupérer deux mitrailleuses Gatling enterrées par une veuve, dont il s'éprend, pour les amener à la troupe malgré l'hostilité des citoyens et la vigilance des indiens qui pullulent alentour.
Mais la narration est si aberrante, c'est si mal filmé et si mal joué que dès la 5eme minute, on sait que cette production tardive de A.C. Lyles va être aussi idiote et délabrée que possible, avec parfois des stock shots volés ici et là à d'autres films, comme d'habitude avec Lyles.
Pourquoi faire l'effort de le regarder jusqu'au bout ? Cela m'a pris des années, par petits bouts successifs vus au fil des ans.
C'est parce que, si vous êtes amateur de western, vous êtes ému par ce que deviennent les figures de la série B quand elles sont déchues. Que leur a fait le temps qui passe ? Que donc leur a fait leur âge, leur histoire, ou Hollywood ?
Broderick Crawford est très amaigri, et on pourrait ici le confondre avec Lon Chaney Jr (devenu un habitué de ces series Z, qui tolèrent son alcoolisme). Scott Brady est au contraire empâté et presque méconnaissable à seulement 43 ans, lui qui fut le si élégant Dancing Kid dans Johnny Guitar. Ils jouent les comparses de Howard Keel qui a toujours belle allure. Mais lui-même qui fut une si grande star, que fait-il donc ici ? On conçoit mieux la présence de Wendell Corey, un colosse à figure d'intellectuel. Il n'a pas changé physiquement et il fut toujours un second rôle : hélas ce bon acteur de composition n'a rien d'autre à faire dans sa séquence qu'à vitupérer.
En fait toute la production de A.C. Lyles de l'époque recycle ces anciens premiers et seconds rôles dans une série de films des années 60 qui semblent assumer et même revendiquer le statut de déchéance dans lequel les westerns italiens et espagnols (qui arrivent depuis peu sur le marché) prétendaient reléguer le western américain.
Il est curieux que ce pan somme toute modeste et marginal de la production américaine ait pu se frayer un chemin vers le cinema car il est bien en dessous de la production télévisuelle de westerns de l'époque.
Et au cinema, c'est l'époque où Peckinpah et Aldrich préparent des chefs d'oeuvre.
(Notule de 2018 publiée en 2024)
Il y a des exceptions : certains réalisateurs arrivent à faire des petits miracles dans ce cadre très contraint, par exemple William F. Claxton avec Condamné à être pendu, La Diligence partira à l' aube...