le 8 nov. 2025
To live and let sigh
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Quelque part dans l'Arctique, le navire danois Horisont recueille un homme proche de la mort, Victor Frankenstein (Oscar Isaac). Dans la nuit, l'équipage est attaqué par une créature humanoïde à la force colossale, réclamant qu'on lui livre Victor. Ce dernier commence alors à raconter son histoire au capitaine (Lars Mikkelsen)...
On connaît le mythe créé par Mary Shelley, et on connaît ses innombrables adaptations. La pertinence d'une nouvelle adaptation en 2025 apparaissait donc assez peu, mais avec la présence du grand Guillermo del Toro à la caméra, on pouvait tout de même en attendre quelque chose. Le réalisateur a lui-même expliqué qu'il voulait réaliser cette adaptation depuis plus de 20 ans, et il suffit de connaître un tout petit peu le cinéma du Monsieur pour constater à quel point le chef-d'œuvre de Shelley irrigue tous ses films. Avec Frankenstein, voilà donc Guillermo del Toro qui revient à l'origine de toute son œuvre et nous propose en quelque sorte un film-somme. Et quelle réussite !
Rarement - voire jamais - l'ampleur du récit de Shelley n'avait rencontré un tel écho à l'écran. Le génie de la mise en scène du réalisateur du fabuleux Crimson Peak trouve ici un écrin comme il en avait rarement rencontré. Avec cette nouvelle version de Frankenstein, Guillermo del Toro nous offre une petite idée de ce qu'est le cinéma dans toute sa noblesse et sa pureté. Voilà, en réalité, ce qu'est pleinement Frankenstein : une œuvre pure. Est-ce à dire qu'elle est parfaite ? Sans doute pas, et on rejoindra les spectateurs les plus tâtillons sur la qualité des explosions et des loups en CGI (qui, sans être honteux, ne sont pas au niveau des autres effets spéciaux), tout comme on conviendra que la patte un peu lourde de del Toro se retrouve encore dans un manichéisme qui a parfois tendance à envahir le récit (le rapport de Victor à ses parents) avant de s'en retirer avec une belle pudeur.
Si on accepte toutefois de fermer les yeux sur ces quelques scories formelles, il sera difficile de ne pas être sensible au souffle incroyable qui parcourt toute l'œuvre. Avec Guillermo del Toro, Frankenstein redevient ce conte moral qui illustre à la fois ce que l'Homme a de pire et ce qu'il a de meilleur. Faux film de monstres, son film est bien avant tout un film humain. Certes, la cruauté est présente, mais sans jamais être condamnée arbitrairement. Si les professeurs du Collège royal d'Édimbourg semblent sourds au génie de Frankenstein, c'est parce qu'ils ont conscience de l'ignominie et des conséquences néfastes de son geste créateur. Si Harlander peut paraître aussi cynique, c'est peut-être parce qu'il sent sa fin proche et voudrait trouver un moyen de laisser une trace dans l'Histoire. Si William semble aussi froid avec son frère, c'est sans doute parce qu'il constate la déshumanisation à laquelle l'a poussée son ambition divine. La clé du récit se trouve sans nul doute dans cette constatation de la Créature dans la ferme qu'il habite clandestinement : "Le chasseur ne détestait point le loup. Le loup ne détestait point le mouton. Mais la violence entre eux paraissait inévitable. Sans doute, pensais-je, le monde était ainsi fait."
Comme souvent dans l'œuvre de Guillermo del Toro, le réalisateur nous raconte bel et bien non l'histoire d'une humanité qui a perdu son âme, mais celles d'êtres purs qui cherchent leur place dans une humanité devenue violente. Pourtant, cette humanité n'est pas dépourvue d'âme, et le pardon est possible même pour ceux qui s'engagent trop loin dans la voie de la destruction. Cela n'en rend que plus grand le final choisi par del Toro, sans happy end artificiel, mais avec une lueur d'espoir bienvenue, qui vient faire écho à cette parenthèse enchantée où la Créature découvre la bonté dont est capable l'humanité en la personne d'un vieil aveugle.
Porté par des images absolument somptueuses, des dialogues d'une beauté qu'on croit souvent disparue du cinéma contemporain (la preuve que non), des acteurs grandioses et une musique confinant au divin signée Alexandre Desplat, le Frankenstein de Guillermo del Toro se débarrasse de (presque) tous ses artifices et ses excès pour ne plus former qu'une œuvre parfaitement cohérente, d'une pureté dont seuls sont capables les plus grands artistes.
Rendant parfaitement hommage à son support littéraire, Frankenstein devient alors par cette pureté formelle et narrative ce qu'a toujours été le roman de Mary Shelley : un grand classique.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de Guillermo del Toro et Les meilleurs films de 2025
Créée
le 15 nov. 2025
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le 8 nov. 2025
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