Le vieil homme et l'adolescent

Walt Kowalski (Clint Eastwood) est un vétéran de la guerre du Vietnam et un retraité de l'industrie automobile. Il n'aime pas ses voisins qui sont tous des immigrants de l'Asie du Sud-Est . Mais une nuit, il surprend Thao (Bee Vang) en train d'essayer de voler sa Gran Torino pour ne pas être embêté par un gang qui veut le recruter. Walt va aider à sa manière le jeune Thao....
En cette fin des années 2000, Clint Eastwood n'a déjà plus rien à prouver mais il a gardé son ambition et sa passion intactes. Il tombe sur ce scénario de Nick Schenk qui travaillait essentiellement pour la télévision et qui va devenir un proche de Clint puisque c'est lui qui écrira les scénarios de "La mule" et de "Cry Macho".
L'histoire plait énormément à Clint qui y voit l'occasion de jouer intelligemment avec son image. Ses détracteurs lui ont collé l'image d'un réac raciste: il va jouer une sorte d'inspecteur Harry retraité ! Et il va revisiter son oeuvre à travers de nombreux petits clins d'oeil. Outre Harry, on y trouve une allusion flagrante à "Impitoyable" quand il parle de sa culpabilité d'avoir tué des gens. Dans "Le maitre de guerre" il jouait un vétéran de l'armée avec un langage plus ou moins semblable à celui qu'il utilise ici. On le voit tousser comme son personnage de chanteur country dans "Honkytonk man".
"Gran Torino" ressemble fortement à un film testament comme "Impitoyable". Dans celui-ci il faisait ses adieux au western, genre qui lui a apporté la gloire. Ici il fait ses adieux à ses personnages ronchons mais qui sont bien plus humains qu'ils en ont l'air.
Au fil du film, le spectateur va voir que Walt n'est pas si raciste que cela. S'il n'avait pas fait la guerre du Vietnam, peut-être n'aurait-il jamais été méfiant envers les étrangers.
Car oui, il est plus méfiant que raciste. Et surtout il aime la solitude et la tranquillité , surtout depuis qu'il est veuf, alors il se rend volontairement détestable.
Une des bonnes idées de "Gran Torino" est que l'on voit une vieille dame asiatique qui est "raciste" envers les blancs pour des raisons plus ou moins identiques que celles de Walt. Clint nous montre que les blancs, noirs ou asiatiques sont tous semblables: bourrés de préjugés ce qui est malheureusement assez vrai.
Comme dans plusieurs de ses films , il fait allusion à la religion (se rappeler John Malkovich dans "L'échange" ou bien sûr de son personnage ambigu dans "Pale Rider") à travers sa relation avec le Père Janovich (excellent Christopher Carley).
Et il parle de la transmission à travers la relation entre Walt et Thao. Mais aussi des relations familiales difficiles comme dans plusieurs de ses longs métrages.
Clint Eastwood mélange humour , émotion et polar avec maestria . La scène où Walt et Thao sont chez le coiffeur est un modèle de comédie . Et le final est aussi émouvant que tendu comme un thriller.
Bee Vang est touchant en jeune ado mal dans sa peau . Ses scènes avec Clint Eastwood sont formidables.
Quant à Clint Eastwood, il donne une leçon de charisme et de jeu à tous les acteurs. Bacri savait râler avec humanité, Clint sait insulter avec humanité . Parce qu'on voit qu'il insulte pour cacher ses failles et sa maladie... Du grand art.
"Gran Torino" sera un grand succès aussi bien en France (environ 3 millions 500 000 entrées) qu'aux U.S.A (environ 150 millions de dollars au box office) et recevra de nombreuses récompenses dont le césar du meilleur film étranger. Avec ce film Clint ajoute un nouveau classique à son impressionnante filmographie . Et un nouveau film humaniste et antiraciste (se rappeler notamment "Josey Wales").