« I rode a motorcycle through the jungle with a pack of raptors. » OWEN GRADY

En 2015, Jurassic World relance avec succès la mythique franchise Jurassic Park. Le film cumule plus de 1.600.000.000$ de recettes mondiales, se classant alors parmi les plus grands succès de tous les temps. Ce retour en force de la licence convainc immédiatement les studios Universal de capitaliser sur l'engouement du public.

Colin Trevorrow, avec ce succès, devient donc une figure incontournable d’Hollywood. Il est rapidement sollicité pour travailler sur d’autres franchises majeures, notamment sur la saga Star Wars. Pris dans cet agenda chargé, il ne peut assurer la réalisation du deuxième volet de la saga Jurassic World. Toutefois, souhaitant garder un lien créatif fort avec la suite de son propre film, il reste impliqué en tant que scénariste. Il co-écrit ainsi le scénario avec Derek Connolly, son collaborateur régulier depuis leurs débuts dans le cinéma indépendant.

Juan Antonio Bayona est personnellement recommandé par Steven Spielberg pour prendre les rênes du second opus. Un choix surprenant, car Bayona est davantage reconnu pour son approche sensible et dramatique que pour les blockbusters d’action. Pourtant, ce regard plus intimiste séduit Spielberg, qui voit en lui le potentiel d’apporter une dimension émotionnelle et esthétique nouvelle à la franchise. Dès son arrivée, Bayona s’implique activement dans le développement du film. Bien qu’il ne signe pas le scénario, il collabore étroitement avec Trevorrow et Connolly pour y injecter sa sensibilité visuelle, une ambiance plus gothique et des thématiques plus sombres, notamment autour de l'exploitation des dinosaures.

En 2018, Jurassic World : Fallen Kingdom débarque dans les salles obscures. Ce deuxième chapitre, plus sombre et dramatique que le précédent, divise les critiques mais séduit le public avec plus de 1.300.000.000$ au box-office mondial, le film confirme la puissance commerciale de Jurassic World, ouvrant la voie à une conclusion ambitieuse avec un troisième volet déjà en préparation.

Le début du film tente de poser un dilemme éthique : faut-il sauver les dinosaures, ces créatures ramenées artificiellement à la vie, ou les laisser périr, comme le suggère le gouvernement américain, afin de corriger l’erreur de leur résurrection ? Une question lourde de sens. L’éruption volcanique sur Isla Nublar devient ainsi un prétexte à l’action. Le retour sur l’île, censé raviver la magie du premier film, tombe à plat : les scènes de sauvetage manquent d’émotion, et l’idée qu’un tel cataclysme puisse être anticipé aussi tardivement apparaît peu crédible au regard de l'infrastructure du parc dans le premier film. L’impact émotionnel que pouvait promettre la disparition des dinosaures est ici dilué, presque expédié.

Dans la deuxième partie du film, il y a un changement de décor radical : de la nature sauvage d’Isla Nublar, le récit se déplace dans l’ambiance feutrée, presque gothique, du manoir de Benjamin Lockwood. Cette moitié s’oriente vers un huis clos où les dinosaures deviennent des objets de convoitise pour des acheteurs internationaux peu scrupuleux. Si l’idée d’une privatisation et militarisation des dinosaures avait déjà été évoquée dans les opus précédents, elle prend ici une forme grotesque, presque caricaturale, avec cette salle d’enchères semblant sortie d’un mauvais thriller d’espionnage. Le film tente également d’instaurer une atmosphère d’horreur, notamment dans les séquences nocturnes avec l’Indoraptor, mais sans jamais parvenir à instaurer une vraie peur ni un suspense efficace. Ce virage vers l’horreur domestique s’éloigne de la dimension aventureuse et scientifique qui faisait le charme de la saga originale.

L’Indoraptor, nouvelle créature génétiquement modifiée, est mis en scène comme une sorte de monstre de film d’horreur classique : ombres, escaliers, éclairs et atmosphère lugubre. Bayona, connu pour son goût pour le macabre élégant, multiplie les références visuelles aux films de monstres de l’âge d’or du cinéma hollywoodien, notamment ceux produits par Universal ou la Hammer. Si cette approche peut séduire visuellement, elle dénature le cœur même de la saga fondée sur le réalisme (fictif, certes) de la science et le frisson de la découverte. Ici, le dinosaure devient un croque-mitaine de conte gothique, et l’aventure devient pastiche. Le film y perd en cohérence et en tonalité, basculant dans un genre hybride qui ne fonctionne pas totalement.

B.D. Wong, revient une nouvelle fois en tant que scientifique fou au service des puissances économiques. Pourtant, son rôle est largement sous-exploité. On entrevoit les dérives scientifiques liées à la création de l’Indoraptor, fruit d’une combinaison entre le Velociraptor et l’Indominus Rex, mais ces enjeux pourtant cruciaux ne sont jamais véritablement développés. Le film frôle des thématiques passionnantes autour de l’éthique de la manipulation génétique, de la brevetabilité du vivant et de la création d’armes biologiques… Sans jamais les explorer pleinement. Wong devient ainsi un simple rouage narratif, là où il pourrait être le vecteur d’une réflexion plus profonde sur les limites de la science. Ce manque d’ambition intellectuelle pèse lourd sur l’ensemble du récit.

La révélation que Maisie Lockwood est en réalité un clone humain marque un tournant inattendu et assez maladroit dans la saga. Cette sous-intrigue, presque glissée en douce, bouleverse la logique interne de la série en introduisant une technologie de clonage humain bien plus avancée que celle présentée jusqu’à présent. Là où la saga mettait en garde contre la création de vie à partir de l’ADN ancien, ce film s’aventure dans un domaine quasi science-fictionnel sans prendre le temps de poser les enjeux philosophiques ou scientifiques. Ce twist, qui aurait pu donner lieu à une réflexion fascinante sur l’humanité, l’identité et la mémoire génétique, est relégué à un simple ressort narratif. Un choix périlleux, qui frôle le ridicule et menace de faire basculer la franchise dans un registre de série Z.

Chris Pratt et Bryce Dallas Howard reprennent leurs rôles respectifs d’Owen Grady et Claire Dearing. Si Owen reste fidèle à lui-même, Claire subit une transformation étonnante. Ancienne directrice du parc, obsédée par la rentabilité, elle est désormais à la tête d’une ONG militant pour les droits des dinosaures. Ce revirement idéologique, bien qu’intéressant sur le papier, semble un peu forcé à l’écran et n’est jamais véritablement expliqué ou justifié. Pire, une fois les personnages lancés dans l’intrigue, ils stagnent, n’évoluent ni psychologiquement ni dans leurs relations. Leur dynamique reste figée, comme si le film ne savait pas quoi faire d’eux en dehors des scènes d’action.

Justice Smith et Daniella Pineda incarnent les nouveaux venus, censés représenter les générations connectées, engagées et pleines d’humour. La caution enfant ou jeune adulte de la saga. Pourtant, leur présence à l’écran semble surtout motivée par une volonté de coller aux codes du blockbuster familial. Smith cabotine dans un rôle comique un peu trop appuyé, et Pineda, pourtant prometteuse, reste cantonnée à un rôle secondaire sans relief. Aucun des deux personnages n’apporte réellement de profondeur à l’intrigue, ni d'évolution.

Michael Giacchino, qui avait réussi à insuffler une belle énergie au score de Jurassic World, signe ici une bande-son plus sombre, tentant de coller à l’ambiance gothique du film. Toutefois, ses compositions peinent à se démarquer. Les thèmes sont moins mémorables, l’orchestration plus lourde, et la magie musicale qui accompagnait jadis les découvertes de dinosaures semble avoir disparu. L’émotion laisse place à une tension artificielle, et les rares clins d’œil au thème original de John Williams ne parviennent pas à ranimer la nostalgie.

Le cameo de Jeff Goldblum était très appréciable.

Jurassic World : Fallen Kingdom est un épisode de transition, qui cherche à renouveler la franchise tout en multipliant les hommages et expérimentations. Malheureusement, le film souffre d’un manque de cohérence globale : ses tentatives de mélange des genres nuisent à l’identité claire de la saga. Si certains choix esthétiques sont audacieux et que la réalisation de Bayona offre quelques beaux moments de cinéma, le scénario peine à suivre. Les personnages stagnent, les thématiques ne sont qu’effleurées, et le ton oscille sans jamais trouver sa juste mesure. L’introduction du clonage humain ouvre une nouvelle direction… Mais au prix de la crédibilité.

StevenBen
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le 17 juil. 2025

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Steven Benard

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