Un peu comme l'écureuil qui entasse pour l'hiver sa réserve de glands dans la cavité d'un tronc, j'aime garder au chaud, peut-être moi-même comme un gland, une série de classiques pour faire contraste avec de longues et froides séries d'étrons.


Blonds pour le service


Séance de rattrapage du jour, du glamour 68: McQueen-Dunaway, le duo d’icônes blondes et sexy des 60s. Je me pourlèche par avance les babines. J’anticipe avec gourmandise le montage qui scintille, les couleurs qui aspergent, le scénar qui égare, les acteurs qui exsudent, la musique qui électrise.


Oui mais…
C’est sur ce dernier point que la déception frappe. Que la mayonnaise se fige. Que la mâchoire heurte la télécommande, que les bras choient, que la verge se souvient subitement des effets terribles de la pesanteur.
Du côté de l’illustration sonore, quand tu t’attends à un Schifrin, un Mancini, un Jones, un Bacharah ou un Barry, tes oreilles se flétrissent dès les premières secondes du générique, avant que ce dernier ne t’assène le coup fatal: aucun doute, il s’agit de…

Michel Legrand.


Le con sert tôt en sol mineur


Comprenez-moi. C’est pas forcément que Michel soit indigne de composer une B.O. en général.
C’est pas non plus que, par ailleurs, il n’ait pas donné ses notes de noblesse à quelques jolies bordilles franco-françaises délicates et colorées. Qu’il n’ait pas savamment œuvré pour traumatiser des générations d’oreilles juvéniles (le sol mineur sus-nommé) qui ne pourront plus jamais imaginer Catherine Deneuve autrement que comme on devrait toujours le faire: avec les immenses oreilles de ces mammifères qui ne sont jamais aussi charmants que quand ils posent en civets pour égayer nos tables dominicales.


Bien sûr une mauvaise langue (mais plutôt bonne oreille) pourrait arguer que Legrand est au Jazz ce que Jonasz est au blues ou Johnny au rock. Ce serait facile et méchant. Un esprit persifleur pourrait à son tour prétendre que le compositeur français s’est entêté à donner mille atours à un seul et même thème pendant ses 40 ans de carrière. Ce serait un poil exagéré.


Là, le problème, c’est que "Steve McQueen meets Peau d’âne", ça heurte.
Ça racle.
Ça irrite.
La mouche dans le potage.
La punaise dans la gorgée de milk-shake.
Le pet d’ours dans la bouffée d’air pur de montagne.
L’Amélie Poulin sur le toit qui te coupe l’antenne au moment du but.
La panne d’ADSL cinq secondes avant l’orgasme.


Faye durer le plaisir


Du coup, cette fausse note fait baisser celle du film d’un cran.
Difficile, dans ces conditions en effet, de se concentrer sur les atouts nombreux de ce thriller atypique: un criminel sans nécessité, une limière sans détour, une love-story sans idéal. A l’ambiance bien plus trouble que ce que suggère le cadre doré du businessman désœuvré. Au final prévisible mais tout emprunt d’une amertume désabusée.


Non, y a pas. A une débande originale prêt, on tenait un classique.

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le 5 oct. 2014

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guyness

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