Croyez-le ou non, j’aborde ici ma première œuvre de commande. Me voilà dans la peau du pigiste ou du jeune rédacteur, tenu de pondre son papier sur un sujet précis (noël), pour une date fixée.
La clause est précise, la pression réelle, la patronne inflexible, les relances incessantes.
Alors noël, bien sûr, ce sont des tonnes de souvenirs cinématographiques, mais bizarrement, celui qui s’impose à moi est un de ceux qui représente assez peu le moment joyeux et festif auquel on peut associer la célébration de la naissance du petit jésus.
A moins que.
-Welcome to the Jungle, belle-
Noël, donc. Une jolie demoiselle dévêtue (juste ce qu’il faut pour faire frétiller la turgescence mal maîtrisée et à l’hygiène douteuse du spectateur tout juste post-prépubère que je fus, en cette année 1987), après s’être aspiré en poudre blanche la superficie d’une table basse sur laquelle aurait pu se disputer la finale de Roland Garros, enjambe un balcon à l’altitude bien trop conséquente pour garantir l’intégrité physique de celle qui ne va pas tarder à se jeter dans le vide, et effectue le grand saut. Jingle Bell vient de cesser de résonner, mais la mélodie reste vissée à nos oreilles, un air vicié qui colle aux basques crottées et gluantes d’une fête grotesque et originellement dénaturée.
Associer les fêtes de fin d’année à la mort et au suicide n’est évidemment ni étonnant ni nouveau. Pour ne rappeler que "la vie est belle" ou "le père noël est une ordure", les exemples sont nombreux. Pour celui qui traverse une mauvaise passe, qui se sent seul ou même pour celui qui ne cesse de contempler les activités humaines de ses contemporains avec un regard distant et stupéfait, ce moment de célébrations forcées et consuméristes fait très facilement office de catalyseur à effroi. Et peut provoquer le passage à l’acte le plus radical.
- Noël au balcon, enrhumé comme un con-
La pulsion suicidaire est bien entendu l’argument massue de ce premier Lethal weapon, ce qui fera que les épisodes suivants n’auront plus vraiment le même sel, pour cause d’assagissement de son personnage principal. Ne restera plus que l’amitié bonasse entre le black et le white, l’encore jeune chien fou et le père de famille assagi, l’électron libre incontrôlable et le lieutenant fiable en fin de carrière.
Quand Martin Riggs a fini de se mettre un canon de métal froid dans la bouche en toisant la mort dans le gris glacial des yeux, les dangers extérieurs semblent bien fades. Du coup, se jeter du haut d’un immeuble ou affronter les bad guys sur-armés ne lui fait plus ni chaud ni froid, et c’est non sans une véritable jouissance que nous assistons aux exploits fondus d’une tête brulée qui incarne enfin une version possible de expression "peur de rien".
On raconte souvent que noël est l’occasion du premier traumatisme infantile, puisqu’il constitue la première preuve de mensonge des parents, et donc du monde adulte. Pas totalement étonnant lorsqu’on songe que la fête elle-même repose sur une vaste duperie, et que tout ceci pousse certains à cesser de faire semblant de croire à cet univers d’apparences et de prétextes. Assez logique, finalement, que la scène introductive de la saga Arme fatale symbolise si bien cette période redoutable.
Cela dit, en bon méridional, j’ai tendance à relativiser. Il faut toujours avoir en tête que les choses pourraient être pires. Comme vivre noël en Belgique. La-bas, c’est encore plus long. Un célèbre dicton local n’est-il pas «froid en Novembre, noël en décembre»?
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