Avec L’Homme qui rétrécit, Jan Kounen s’empare d’un monument de la science-fiction littéraire pour en faire une expérience bien plus intérieure qu’attendue.

Là où Richard Matheson racontait la perte de puissance et la confrontation de l’homme face à l’univers, Kounen choisit d’ancrer cette fable dans un quotidien français, presque banal, et c’est précisément ce qui la rend fascinante.


Jean Dujardin campe un homme solide, père, mari, chef de famille — un “pilier” dont le monde s’écroule à mesure que son corps se réduit. Et plus il rétrécit, plus tout ce qui définissait sa force — l’autorité, la virilité, la certitude d’exister à travers le regard des autres — s’effrite.

Le film ne parle pas seulement de taille, il parle d’identité. De ce que l’on devient quand on perd le contrôle.


Kounen filme cette chute avec une pudeur inhabituelle, loin du clinquant qu’on lui connaît. Les effets spéciaux servent avant tout l’émotion : une simple goutte d’eau devient un océan, un chat une menace cosmique, une maison un labyrinthe d’angoisse.

Chaque plan transforme le banal en vertige, et c’est là que le film trouve sa vraie force : dans cette redécouverte du monde à hauteur d’homme… minuscule.


Dujardin, lui, surprend par sa retenue. Il joue moins la peur que la résignation, moins la panique que l’éveil.

À mesure qu’il rétrécit, il s’éloigne de tout — des autres, de sa famille, du monde des “grands” — mais se rapproche d’une vérité plus vaste.

Il y a dans son regard une forme de paix qui naît de l’abandon, comme si, en devenant insignifiant, il touchait enfin quelque chose d’immense.


La mise en scène n’est pas sans failles : certaines séquences s’étirent, la symbolique pèse parfois un peu lourd, et le film peine à maintenir son intensité dramatique sur la durée. Mais son audace est indéniable.

Kounen parvient à transformer une histoire de science-fiction en une parabole existentielle sur la vulnérabilité, la perte de repères et la renaissance.


Au fond, L’Homme qui rétrécit n’est pas un film sur un corps qui disparaît, mais sur un esprit qui s’élève.

Un film imparfait, fragile, mais sincère, qui ose rappeler que la grandeur ne réside pas dans la puissance, mais dans la conscience.

Et que face à l’immensité du monde, il suffit parfois d’accepter d’être petit pour se sentir, enfin, à sa place.

CineMarcus
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le 22 oct. 2025

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