Il n'est pas toujours aisé de noter les classiques, les films dits "cultes", avec lesquels on aurait tendance à faire preuve d'indulgence, plus ou moins inconsciemment, en raison de la marque laissée dans l'histoire du cinéma.
En tant que simple polar lambda, "Dirty Harry" ne casse en effet pas trois pattes à un canard, avec son scénario très linéaire à base de poursuites répétées, ses dialogues rares et sans grand relief, et son méchant caricatural aux motivations pour le moins nébuleuses.
Mais derrière le film de Don Siegel, il y a l'éclosion d'un genre, le vigilante movie, et les valeurs réactionnaires qui accompagnent cette notion d'auto-justice. D'autres films américains avaient précédemment mis en avant ce type de valeurs, mais "Dirty Harry" marque véritablement l'affirmation de cette tendance, pour preuve les nombreuses suites de la franchise, et les innombrables autres films qui vont se saisir du phénomène.
A l'instar de Charles Bronson, la figure de l'Inspecteur Harry caractérise parfaitement ce type de héros, souvent un flic désabusé faisant fi de lois protégeant bien trop les criminels au détriment de leurs victimes, envoyant balader dans un même élan leur hiérarchie, les juges et les avocats de la défense...
Au delà de cet aspect séminal, d'un nouveau genre de polar et de justicier, "Dirty Harry" a également pour lui une remarquable mise en scène de Don Siegel, qui signe une réalisation efficace mais non dénuée d'élégance, à l'image des superbes couleurs qui magnifient la ville de San Francisco le jour, par opposition à la sombre nuit californienne, qui semble bien plus dangereuse et plus menaçante.
Siegel nous offre quelques très belles séquences (le meurtre en ouverture, le stade qui s'illumine soudainement...) et certains mouvements de caméra du meilleur effet, tel que ce magnifique travelling arrière pour la scène finale.
Au-delà de sa valeur symbolique, "Dirty Harry" laisse donc dans l'ensemble une impression favorable, notamment sur le plan visuel, puisque le film a très bien vieilli.
Sur le fond, en revanche, on n'est pas obligé de partager la vision de la justice de son héros marmoréen - même si le côté réac' n'est pas aussi outrancier qu'on pouvait le penser.